Valorisons le secteur arboricole wallon !
Interpellation destinée à René Collin, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Infrastructures sportives
Á plusieurs reprises au sein de cette commission, nous avons eu l’occasion de discuter des difficultés du secteur fruitier wallon, des inquiétudes des producteurs, qui sont importantes. On le voit quotidiennement, des arbres sont arrachés par les producteurs, démontrant leur désespoir. Nous devons parvenir à soutenir plus adéquatement ce secteur : via la promotion de nos produits, via la commercialisation ou encore via la valorisation dans nos écoles ou encore, via un soutien à la transformation des produits.
Il y a quelques mois, Greenpeace publiait une enquête qui pointait du doigt une contamination importante des fruits, à cause des pesticides. Cette étude, vous le précisiez, concerne les pays européens, sans distinction. J’aime à croire que la production fruitière wallonne, en initiant et en s’inscrivant depuis 1988 dans un cahier des charges très strict est en avance dans le domaine de l’utilisation raisonnée des pesticides. La Production Fruitière Intégrée (PFI) donne la priorité aux méthodes écologiques plus sûres et minimise l’utilisation et donc les effets négatifs des pesticides.
Monsieur le Ministre, pouvez-vous me préciser le nombre d’arboriculteurs qui s’inscrivent aujourd’hui dans le PFI ? Ce chiffre est-il en augmentation ou en diminution depuis ces dernières années ? Comment entendez-vous valoriser efficacement cette production, aujourd’hui méconnue des consommateurs ? Ces produits ont une véritable valeur ajoutée pour les consommateurs et je pense que certains consommateurs seraient prêts à les payer plus chers, en ayant la certitude qu’ils répondent à des conditions strictes de production. Comment entendez-vous aider ces producteurs qui travaillent en production intégrée à commercialiser leurs produits ? Comment encouragez-vous les arboriculteurs wallons à s’inscrire dans cette démarche ? Lors d’une précédente question parlementaire, vous affirmiez qu’en Wallonie, un programme d’aide encourageant la participation des producteurs à des systèmes de qualité est prévu. Ce programme porte sur les frais de certification, d’audit initial, d’inscription à un cahier des charges, ainsi que la cotisation annuelle. L’aide est accordée pour une période maximale de cinq ans et s’élève à 3 000 euros maximum par an et par bénéficiaire. D’autres aides, de type technique par exemple, sont-elles prévues ?
Depuis 2014, le principe de lutte intégrée, l’IPM, est également obligatoire pour les producteurs fruitiers européens. Or, on sait que ces critères sont moins exigeants que ceux du PFI. La liste des pesticides utilisables en PFI est notamment plus restrictive que la liste des produits agréés pour la lutte intégrée préconisée par le niveau européen, que l’on retrouve dans le cahier des charges Vegaplan. Considérez-vous qu’il s’agit-là d’une forme de concurrence ? Pourquoi l’Europe n’adapte-t-elle pas ses exigences aux normes de production les plus élevées ? Les producteurs wallons, dont le Groupement d’arboriculteurs pratiquant en Wallonie les techniques intégrées, le GAWI, défend avec acharnement la qualité du cahier des charges PFI.
Toujours dans l’objectif de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, objectif que nous partageons, nous connaissons l’importance de la sélection variétale. Aujourd’hui, nos producteurs doivent sélectionner des variétés très sensibles mais qui répondent aux critères esthétiques imposés par le commerce. Je pense qu’à ce sujet, nous devrions nous montrer plus proactifs. Il faut agir concrètement sur le comportement des consommateurs. Préfèrent-ils des pommes irrégulières mais qui répondent à des conditions de productions très strictes ou des fruits contaminés par des pesticides ? Un travail doit également être effectué auprès des représentants des commerces. Deuxièmement, il est également nécessaire de renforcer la recherche variétale, en développant des espèces plus résistantes ou en valorisant les espèces existantes. Des variétés répondent déjà à ces exigences mais ne sont pas suffisamment valorisées. Je pense notamment à la « coxybelle ». Monsieur le Ministre peut-il me préciser les actions menées pour favoriser et mettre en avant ces espèces ? En effet, le consommateur peut être sensible s’il sait que ce fruit est éventuellement moins beau mais qu’il est surtout et avant tout, moins nocif pour sa santé, celle des agriculteurs et plus respectueux de la biodiversité.
Le secteur arboricole nécessite, comme l’ensemble des secteurs agricoles, des recherches importantes. Les centres pilotes jouent, dans ce cadre, un rôle important. Monsieur le Ministre peut-il me préciser le montant consacré, par la Région Wallonne, aux centres pilotes qui se consacrent au secteur arboricole ? Le CRA-W se penche-t-il également sur la recherche dans ce secteur ?
Enfin, les maladies qui affectent les fruits sont évidemment nombreuses mais on peut en identifier précisément quelques unes, comme la tavelure du pommier et du poirier, qui concerne essentiellement les variétés modernes. On identifie également le carpocapse, appelé « le ver des fruits ». Contre ce dernier, les producteurs peuvent avoir recours à une substance active autorisée de la famille des néonicotinoides. Or, depuis 25 ans maintenant, toujours dans cette volonté de réduire efficacement l’utilisation des intrants chimiques, les producteurs utilisent des pièges à phéromones. Depuis 2008, l’utilisation de la confusion sexuelle, préconisée par des chercheurs pour d’autres cultures aussi, a quasi supprimé le recours aux traitements. Or, cette technique s’avère plus couteuse que les traitements phyto. Dans une question parlementaire, vous reconnaissiez que la Flandre, dans le cadre des méthodes agroenvironnementales du Programme flamand de développement rural 2014-2020, accorde une aide de 210 euros à l’hectare pour l’arboriculteur pratiquant cette technique. La Wallonie aide actuellement les producteurs qui souhaitent s’inscrivent dans le cadre du la PFI. Or, il est également essentiel de prévoir une aide lorsque le producteur, qui s’inscrit par ailleurs dans le cahier des charges PFI, met en place une solution technique plus couteuse pour lui mais surtout, plus respectueuse de l’environnement. Envisagez-vous la création d’une compensation financière lorsque la mise en place de technique permet efficacement de diminuer la consommation des PPP ?
Réponse
– En 2016, seulement six producteurs ont demandé une certification Production fruitière intégrée, PFI, contre 18 en 2014. Cette diminution s’explique par le fait qu’une grande enseigne, Delhaize en l’occurrence, qui commercialisait le label Fruitnet, a arrêté.
Certaines initiatives émanant du secteur ont vu le jour, notamment via l’élaboration d’une charte « Fruits d’ici », à laquelle, pour l’instant, trois producteurs adhèrent, en se conformant à un cahier des charges Ecofruits établi par l’association GAWI, à l’initiative de ce projet. Il s’agit d’un label privé.
Par ailleurs, le secteur horticole comestible s’est structuré autour de l’interprofession Fruits et Légumes de Wallonie. Vingt-cinq producteurs sont actifs dans l’interprofession. L’enseigne Mestdagh s’y montre très concernée. Depuis peu, l’interprofession a obtenu de pouvoir utiliser le logo « Fruits et légumes de Wallonie », qu’elle valorisera à titre privé.
De mon côté, j’ai donné instruction à l’administration afin qu’elle initie un projet pilote de développement cohérent avec les politiques mises en oeuvre enn Wallonie : la qualité différenciée et l’identification des produits certifiés. C’est un projet qui s’inspire du projet « Fruits d’ici », mais qui sera élargi à l’ensemble du secteur des fruits et légumes et orienté vers des productions zéro résidu.
L’aboutissement de ce projet sera de pouvoir mettre sur le marché des fruits sans résidus de pesticides et dont la promotion s’effectuera dans le cadre de la qualité différenciée avec le logo officiel, par l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité ou via des actions de visibilité et d’animation de l’interprofession Fruits et Légumes de Wallonie.
Pour mettre en oeuvre le principe de lutte intégrée, la Région Wallonne a choisi d’élaborer un cahier des charges à la disposition des producteurs. Les critères de l’IPM sont moins stricts que ceux de la PFI. En effet, il existe une liste restrictive de produits utilisables en PFI. Pour l’IPM, il s’agit de la liste officielle fédérale des produits phytopharmaceutiques agréés en Belgique. Les deux systèmes ne sont pas en concurrence, la directive 2009/128/CE exige que chaque utilisateur professionnel de produits phytopharmaceutiques respecte les huit grands principes de l’IPM, mais laisse le choix, aux utilisateurs qui le souhaitent, d’aller plus loin, en leur proposant un soutien.
Concernant l’imposition par la grande distribution de critères d’esthétique pour les fruits, il est clair qu’un travail vis-à-vis du comportement des consommateurs est à mener, notamment via le programme de lutte contre le gaspillage alimentaire. Le Centre wallon de recherches agronomiques a obtenu, par croisements avec des variétés commerciales, une soixantaine de sélections d’élites de poires adaptées aux productions à plus faibles intrants. Le travail du CRA-W se fait dans une démarche de sélection participative avec les professionnels de terrain. De plus, le CRA-W mène des travaux de recherches sur les maladies, comme la tavelure, mais aussi sur le diagnostic hatif des maladies, afin d’agir plus efficacement.
Le soutien wallon est, effectivement, différent du soutien flamand. En Région wallonne, il existe une aide portant sur les frais de certification – vous l’avez dit – d’audit initial, d’inscription à un cahier des charges, ainsi que la cotisation annuelle. Ce soutien passe aussi par des actions de promotion mises en place avec l’aide de l’APAQ-W, comme ce fut le cas pour le label « Fruits d’ici ». Vous m’avez interrogé concernant le financement des centres pilotes. Les montants alloués par la Wallonie aux centres pilotes qui sont chargés d’encadrer le secteur arboricole fruitier s’élèvent à 333 075 euros.
Vous voyez, il y a toute une série de projets constructifs qui sont en voie de finalisation. Je pense qu’effectivement, il s’agit d’un secteur qui doit être soutenu, parce qu’il connait des difficultés notamment de concurrence très importante, mais, en plus, parce qu’il s’agit d’un réel potentiel de valorisation du secteur agricole.