Publicité sur les pesticides et information des consommateurs, soyons vigilants !
Question orale à Monsieur Marcourt, Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et des médias
Alors que le printemps est à nos portes, les communications commerciales en faveur des produits phytosanitaires sont nombreuses alors que peu de gens réalisent réellement l’impact que l’utilisation de ces produits représente.
En mai 2015, je vous interrogeais déjà à ce sujet, suite à l’avis de l’OMS qui classait le glyphosate, la substance active herbicide la plus utilisée au monde, comme « cancérogène probable pour l’homme ». Depuis lors, les scientifiques se déchirent sur la question et l’Europe n’a pas encore adopté une position ferme.
En juin 2016, Inter-Environnement Wallonie témoignait du mauvais usage que les particuliers font de ces produits. Surdosage, mauvaises protections, applications problématiques, … En utilisant ces produits, les consommateurs ne réalisent pas l’impact que cela représente sur leur santé, l’environnement et la faune et la flore. Malgré des messages d’avertissement prévus dans le cadre des communications commerciales, notamment du géant MONSANTO, la diffusion de ces publicités a un impact négatif sur l’utilisation de ces produits.
Les modes de communication commerciale sont autorisés en Fédération Wallonie-Bruxelles moyennant des règles spécifiques, inscrites dans le décret coordonné sur les services de médias audiovisuels. En matière de contenu, qu’elle soit diffusée sur des services linéaires ou non linéaires, la communication commerciale doit nécessairement respecter des principes généraux.
Dans ce cadre, plusieurs plaintes avaient été déposées en vertu de l’article 11 du décret coordonné du 26 mars 2009 sur les services de médias audiovisuels, qui stipule que les communications commerciales ne peuvent, notamment : « encourager des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité, notamment par la mise en valeur de comportements violents […] encourager des comportements gravement préjudiciables à la protection de l’environnement ».
Dans votre réponse, vous m’affirmiez ne pas avoir la possibilité d’interdire la publicité pour un produit, tel que le « Round Up », légalement commercialisé en Belgique et pour lequel la publicité est toujours autorisée. Malheureusement, il ne vous revient pas, à vous, en tant que Ministre de l’audiovisuel, de vous prononcer sur l’attribution du caractère préjudiciable d’un produit. Les questions relatives à la nocivité sur la santé humaine et à l’interdiction de publicité ressortent des compétences du Gouvernement Fédéral.
Monsieur le Ministre, pour les communications commerciales relatives à l’alcool ou aux produits cosmétiques, des codes de déontologies particuliers, relatifs à la communication commerciale, sont d’application. Ces codes ont notamment pour objet de fixer des règles pour protéger un certain public cible. Le code relatif à l’alcool par exemple, prévoit que la publicité ne peut pas encourager la consommation d’alcool et doit protéger les plus jeunes. Monsieur le Ministre, ne pourrait-on pas envisager ce genre de code relatif, cette fois, aux produits phytopharmaceutiques ? En effet, de plus en plus souvent, ces produits, nocifs pour la santé humaine et l’environnement, sont associés, d’un point de vue marketing, à des images positives en termes d’environnement et de biodiversité. Or, ces messages sont erronés et peuvent donc influencer négativement le citoyen. Monsieur le Ministre, dans les limites de vos compétences dans cette matière, pourriez-vous envisager l’établissement d’un tel dispositif ?
Réponse
– Madame, j’ai déjà répondu à cette question sensible qui touche à l’éventuelle nocivité de certaines substances sur la santé et à leur publicité. En tant que ministre des Médias, je peux difficilement me prononcer sur la publicité et encore moins sur le caractère préjudiciable d’un produit en lui-même. Toutes ces questions, relatives à la santé humaine et à l’interdiction de la publicité, ressortissent au gouvernement fédéral. Je n’ai aucune possibilité d’action dans ce domaine. Par ailleurs, il est important de distinguer le produit dit nocif de la publicité portant sur celui-ci.
Le niveau national autorise ou non la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Malgré des craintes soulevées par de nombreuses associations, ainsi que les études menées sur l’impact de ceux-ci en termes de santé, il n’existe aucun texte légal, au niveau tant national qu’international, permettant d’interdire la vente ou la publicité de produits contenant du glyphosate, un herbicide controversé, présent notamment dans le désherbant Roundup.
La réponse reste difficile en ce qui concerne le domaine de la publicité, car la matière est auto-régulée par le secteur. Les codes appliqués par le Jury d’éthique publicitaire (JEP) sont des textes sectoriels préalablement élaborés par les fédérations professionnelles concernées, ensuite acceptées et validées par le jury, à l’exception de la convention «alcool», pour laquelle le ministre de la Santé de l’époque était intervenu, au vu de ses compétences. Tous les autres codes et textes découlent de l’initiative de chacun des secteurs concernés, comme celui de la fédération belge de l’automobile et du cycle, le code «Febiac». À ce jour, grâce à mes contacts avec le JEP, je confirme qu’aucun code particulier n’existe ni n’est appliqué relativement au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.
Néanmoins, en tant qu’organe de régulation responsable, le JEP veille au respect des dispositions éthiques générales, telles que le code de la
Chambre de commerce internationale qui s’applique de manière transversale, tous secteurs confondus. L’article 17 de ce code relatif à la santé et à la sécurité prévoit «que la communication commerciale ne doit comporter aucune représentation ni aucune description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations où la santé et la sécurité ne sont pas respectées selon les définitions des normes nationales locales». Le contrôle du JEP s’effectue donc notamment sur cette base, le cas échéant, consécutivement à l’introduction d’une plainte.
Pour le surplus, le CSA est également compétent en ce qui concerne la diffusion de la publicité en vertu de l’actuel décret SMA, dont l’article 11 stipule que «les communications commerciales ne peuvent, notamment, encourager les comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité et encourager les comportements gravement préjudiciables à la protection de l’environnement».
Le secrétariat d’instruction du CSA, compétent pour constater et sanctionner toute violation à la réglementation audiovisuelle par des éditeurs de services, a été saisi de deux plaintes à ce sujet: l’une émane d’une association, l’autre d’un particulier. Cette dernière plainte, visant des communications commerciales de Monsanto, a été transférée au JEP. Par décision du 7 mai 2013, le jury a estimé: «qu’à défaut d’infraction aux dispositions légales et autodisciplinaires, la publicité visée n’était pas contraire aux règles de l’éthique publicitaire».
Force est de constater qu’en Belgique, ni la vente ni même la publicité portant sur ce produit ne sont interdites à ce jour par le gouvernement fédéral. Aucune réglementation de santé publique n’a été adoptée et ces substances ne font l’objet d’aucune interdiction particulière en termes de communication commerciale et de protection des consommateurs. Ces matières relèvent exclusivement du gouvernement fédéral.
Au regard de mes compétences, tant le décret SMA que l’actuel contrat de gestion de la
RTBF prévoient uniquement des règles d’interdiction générale sur les produits nocifs pour la santé. Aucune d’entre elles ne vise spécifiquement les produits phytosanitaires. Il reste à espérer que, sous la pression actuelle ou sous celle de la ministre fédérale de la Santé, le secteur puisse d’initiative se montrer favorable à une autorégulation.
Mme Christie Morreale – Je pense que nous devons maintenir une certaine vigilance sur la question. Il est vrai que la répartition des compétences entre les niveaux de pouvoir complique la situation. C’est le cas notamment pour l’autorisation de commercialisation de substances qui relève de l’Europe, du gouvernement fédéral, mais aussi des Régions. En vous écoutant, Mon-sieur le Ministre, je constate que les Régions wallonne et bruxelloise, par leur ministre de l’Environnement respectif, peuvent interdire l’utilisation du glyphosate et non sa commercialisation.
Le dépôt d’une plainte permettrait donc peut-être de changer la décision du jury d’éthique auquel vous faisiez référence, puisque celle-ci date de 2013 et que cette interdiction, toute récente, lui est postérieure. Nous y serons d’ailleurs attentifs, car, au sein de la majorité de la Communauté française, les partenaires sont sur la même longueur d’onde que le cdH à cet égard. Ecolo partage d’ailleurs cet avis. En tant que sénateurs de Communauté, nous essaierons d’obtenir une décision et exprimerons en tout cas notre volonté de voir interdire cette publicité. Nous resterons donc vigilants.
Ecolo partage d’ailleurs cet avis. En tant que sénateurs de Communauté, nous essaierons d’obtenir une décision et exprimerons en tout cas notre volonté de voir interdire cette publicité. Nous resterons donc vigilants.