Libération de la parole raciste
On le constate au quotidien, la parole raciste semble se libérer un peu partout dans le monde et la Belgique n’y fait certainement pas exception. La NVA est à ce titre une véritable fabrique politique de repli sur soi et de propos nauséabonds. Il y a un peu plus de deux ans, Bart de Wever avait déjà tenu des propos stigmatisant certaines communautés marocaines d’Anvers et faisant le lien entre le racisme et la radicalisation. Zuhal Demir et Lisbeth Homans n’hésitent pas à critiquer régulièrement Unia, le centre interfédéral pour l’égalité et contre la discrimination, en prétextant qu’il ne défendrait que les personnes allochtones. Enfin, Theo Francken s’est récemment illustré par sa détermination à aller jusqu’au bout d’une procédure de justice qui lui a permis de ne pas accorder de visa à une famille syrienne souhaitant fuir la guerre et le massacre qui ravagent son pays. Avec le soutien, tacite ou explicite, d’une partie de la classe politique et de la population belge.
Le plus souvent, les justifications de ces actions politiques ne sont pas simplement portées par des paroles qui incitent à la haine de l’autre et au repli sur soi. Elles s’accompagnent également de critiques acerbes envers les médias, accusés de complaisance envers les migrants ou les allochtones, et envers la justice, à qui l’on prête une volonté d’entraver le travail du gouvernement. Ces attaques contre les médias et le pouvoir judiciaire sont d’une rare violence. Leurs auteurs bafouent allégrement la séparation des pouvoirs et soumettent le ciment de notre démocratie à très rude épreuve.
La libération de la parole raciste en Belgique se renforce sans cesse et elle n’est pas l’apanage de la seule NVA. Il y a peu, le député fédéral Hendrik Bogaert (CD&V) n’a pas hésité à utiliser les résultats du référendum du Président Turc Recep Tayyip Erdogan pour annoncer que « si plus de la moitié des Turcs de Belgique avaient voté en faveur d’un système autoritaire, il fallait envisager de supprimer leur double nationalité ». Il a immédiatement reçu le soutien de la NVA et semé le trouble au sein de la majorité fédérale. Didier Reynders, puis Charles Michel, ont fait de très timides tentatives de rappel à l’ordre, témoignant par là-même de l’impuissance (ou pire, de l’absence de volonté) des responsables politiques du MRà mettre un terme aux amalgames haineux tenus par leurs collègues de la majorité. En effet, comment soutenir l’argument que parce 54.000 Turcs de Belgique (soit environ un tiers de la communauté turque) votent pour Erdogan, des centaines de milliers de Belges d’origine étrangère devraient être privés de double nationalité ? Il y a deux jours, Theo Francken, encore lui, proposait à ses followers sur Facebook un quizz insidieux qui visait à savoir « qui il fallait sauver au Moyen-Orient », en triant les populations selon leur appartenance religieuse.
On le constate tous les jours : face à la guerre, la misère, la différence et l’explosion des inégalités, de très nombreux responsables politiquesferment les yeux ou choisissent de détourner le regard. Cela n’est certainement pas la solution. Il faut impérativement réagir avec la plus grande fermeté contre ces propos. Il faut à nouveau « anormaliser » la parole raciste dans la sphère politique comme dans la sphère médiatique. Cette responsabilité n’est pas seulement l’apanage de partis progressistes. C’est aussi une responsabilité qui incombe à chaque citoyen :soutenir une action politique extrême ou « liker » anonymement une dérive raciste sur les réseaux sociaux, c’est propager toujours plus loin la haine de l’autre plutôt que de faire un pas vers lui.