Il faut accentuer la lutte contre les violences sexistes et intrafamiliales !
Question écrite destinée à Monsieur Prévot, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l’Action sociale et du Patrimoine
La lutte contre les violences sexistes et intrafamiliales est une priorité de cette législature alors que de plus en plus en de chiffres témoignent de l’ampleur d’un phénomène que les pouvoirs publics sous-estimait il y a encore une dizaine d’années.
A ce titre, votre action se déroule en trois axes principaux :
1) Obtenir des chiffres précis : dans ce cadre, un premier état des lieux des violences faites aux femmes en Wallonie a été diffusé en février 2016. L’ASBL Jump, mandatée par le Gouvernement wallon a apporté, en novembre 2016, des éléments plus précis encore. Cette étude relève qu’au cours de leur vie, plus de neuf Wallonnes sur 10 disent avoir été confrontées à des comportements sexistes en rue ou dans les transports en commun, à savoir 96 % pour être précis. 95 % estiment avoir fait l’objet de comportements sexistes dans l’espace public de manière générale ; 92 % au travail. Ce sexisme se traduit au travail d’abord par des blagues et des commentaires déplacés. Dans la rue ou dans les transports en commun, d’abord par des huées, des cris et des sifflements ou des regards et gestes envahissants, mais en rue ou dans les transports en commun, le sexisme s’est traduit pour plus d’une femme sur trois par une agression ou un harcèlement physique.
Ce sexisme n’est pas sans impact psychologique sur les victimes. Seules 3% disent n’avoir rien ressenti. L’écrasante majorité, à savoir 93 % ont éprouvé de la colère, 71 % se sont sentis blessé et près d’un tiers déprimées. Malheureusement, dans la plupart des cas, 78 %, personne n’a été là pour soutenir ou aider les victimes. Une proportion similaire de femmes, à savoir 82 %, ne se sont plainte ni à la police, ni à un responsable des ressources humaines, ni à un syndicat, par exemple.
Face à ces chiffres, vous annonciez votre volonté de subventionner deux clips vidéo de sensibilisation qui pourront être diffusés largement sur des plateformes de partage de contenu sur Internet de façon à toucher plus particulièrement la jeune génération via les réseaux sociaux. Des contacts ont-ils été établis avec votre collègue de l’Enseignement afin d’assurer une diffusion de ces capsules auprès des jeunes ?
2) Evaluation du dispositif en cours : conformément à la Déclaration politique régionale et au Plan intrafrancophone de lutte contre les violences, le Gouvernement a procédé à une évaluation du dispositif wallon de lutte contre les violences entre partenaires. C’est l’ASBL Engender qui a réalisé cette évaluation afin d’apprécier l’efficacité de ce dispositif au regard des besoins des victimes et des auteurs, à vérifier si sa mise en œuvre renforce les mesures en place et, dès lors, améliore la protection des victimes et si les moyens disponibles sont utilisés au mieux. L’évaluation est-elle clôturée ? Quelles sont les conclusions principales ?
3) Décret sur les services ambulatoires : j’ai eu l’occasion en novembre 2016, de présenter une proposition de décret déposée par le groupe socialiste et visant à insérer un Livre VIII dans le CWASS dans sa partie décrétale, et ce relativement à l’aide aux victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Lors des discussions parlementaires, vous m’informiez de votre volonté d’élargie cette proposition en l’inscrivant dans le cadre du Plan intrafrancophone de lutte contre les violences sexistes et intrafamiliales 2015-2019, et de la convention dite d’Istanbul qui, pour leur part, ne se limitent pas aux seules violences conjugales et intrafamiliales.
D’un point de vue timing, vous m’annonciez qu’un draft devait être finalisé en interne rapidement, en intégrant les résultats de l’évaluation du dispositif. Il prendra aussi en considération l’état des lieux de l’existant et une projection budgétaire. Les premières consultations devaient débuter au mois janvier et un projet de décret devait être déposé en premier de décret en février ou en mars afin d’insérer un titre 7 dans le Livre Ier de la deuxième partie du Code wallon de l’action sociale et de la santé relatif à l’agrément des services d’accompagnement des violences basées sur le genre, sur la base de différentes réunions et de discussions internes. Pouvez-vous m’indiquer le timing relatif à ce texte ? Les concertations ont-elles déjà eu lieu ?
Un autre aspect mentionné est évidemment l’impact budgétaire. Actuellement, quelque 14 services reçoivent environ 530 000 euros par an. Les moyens octroyés seront-ils augmentés ? Des moyens additionnels ont-ils été octroyés ? A quelle hauteur ?
Par ailleurs, vous m’affirmiez également que vos services avaient entamé un état des lieux des services ambulatoires spécialisés dans l’accompagnement des victimes ou des auteurs de violence entre partenaires et de violences basées sur le genre. L’objectif était notamment de pouvoir chiffrer le nombre de services existants, les activités organisées par ces services, des personnes qui sont prises en charge, d’instaurer un mécanisme d’incitation à développer les services sur l’ensemble de la Wallonie. En effet, on constate, en la matière, un déséquilibre géographique important puisque les opportunités d’aides et d’accompagnement sont fort différentes en fonction des lieux. Le nouveau décret devait donc contribuer à assurer une qualité de la prise en charge sur l’ensemble du territoire wallon. Vous souhaitiez donc, sur base de cet état des lieux, pouvoir répondre concrètement aux besoins du terrain en adaptant votre projet de décret. Monsieur le Ministre peut-il m’indiquer les conclusions de cet état des lieux ?
Réponse
Pour répondre au premier volet de la question, je confirme que l’ASBL JUMP a effectivement réalisé un clip vidéo illustrant les résultats de leur enquête, grâce au soutien de la Wallonie. Ce clip, d’une durée de 4 min 37, a été diffusé via la newsletter de l’ASBL et est consultable sur son site et sur YouTube, via ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=5z7q4W_XcPU&feature=youtu.be.
Cette vidéo a été divisée en plusieurs séquences et a été diffusée via les réseaux sociaux en mai 2017. L’enquête de JUMP a été réalisée auprès d’adultes et la vidéo réalisée ne vise pas spécifiquement un public jeune.
La volonté est de diffuser le plus largement possible ces clips, notamment, à des événements. La version longue de la vidéo a, par exemple, été présentée lors de l’évènement « Lutte contre les violences sexistes : on passe à la vitesse supérieure » organisé le 6 juin dernier par mes services aux Moulins de Beez. Cet après-midi d’études et d’échanges avait pour objectif de présenter les résultats de l’évaluation du dispositif concerté de lutte contre les violences entre partenaires en Wallonie, à laquelle se réfère le deuxième volet de la question, et de donner la parole aux professionnels de terrain qui font partie de ce dispositif.
L’approche proposée lors de l’évaluation se voulait résolument participative : la contribution des acteurs (victimes de violences, auteurs de violences, professionnels) a été sollicitée via des questionnaires, des groupes de discussion, des entretiens.
D’après les conclusions faites par l’ASBL Engender, le dispositif répond de manière pertinente et cohérente aux besoins sur le terrain.
À titre d’exemples, voici quelques résultats et recommandations :
- Ainsi, l’évaluation pointe la Ligne d’écoute comme sous-utilisée et méconnue, en particulier par les professionnels de Première ligne (médecins, infirmiers, assistants sociaux de CPAS, etc.) et par les auteur.e.s. La ligne reçoit actuellement 3.000 appels par an, mais elle devrait pouvoir en accueillir 5.000. Nous poursuivrons nos efforts pour diffuser le numéro de la ligne auprès du grand public. Pour rappel, chaque année, avec la FWB et la Cocof, nous finançons une campagne multimédia de sensibilisation aux violences conjugales qui est diffusée, lors d’une première vague, aux alentours du 25 novembre, Journée mondiale pour l’élimination des violences faites aux femmes. En 2017, afin de mieux répartir et augmenter le nombre d’appels à la ligne sur l’année, les entités francophones ont convenu de rediffuser tout au long de l’année la campagne « journal de Marie », tout en diversifiant les canaux de communication. Ainsi, les spots TV et radios ont été rediffusés du 6 mars au 19 mars 2017 et d’autres diffusions sont envisagées en septembre, novembre et décembre. L’information relative à l’extension de l’accessibilité de la ligne d’Ecoute 24h/24 et 7j/7, grâce à la collaboration de Télé Accueil, depuis le 8 mars 2017, a été largement relayée auprès du grand public et des professionnels de première ligne à travers les médias, des publications sur les sites web des pouvoirs publics et via les réseaux sociaux, l’envoi de courriers et de newsletters d’information. Une campagne d’affichage a été réalisée du 16 mai au 13 juin dans 850 bus de la TEC à travers la Wallonie. À Bruxelles, depuis mai 2017 et jusqu’à avril 2018, la campagne reprenant le numéro de la ligne est visible dans les valves d’information des stations souterraines de la STIB. La réalisation et la diffusion d’affiches destinées à un affichage permanent dans les salles d’attente des services des secteurs sanitaires et psycho-sociaux sont également prévues.
- L’évaluation constate un manque de places d’hébergement tout en le nuançant : plus que la capacité d’accueil, c’est la durée des séjours qui serait problématique (…). Il y a de plus en plus de dérogations accordées parce que les femmes victimes ne trouvent pas de logement. Pour rappel, depuis cette année, en matière d’hébergement, un subventionnement complémentaire concerne 83 nouvelles places pour des femmes victimes de violences et leurs enfants. On est ainsi passé d’une capacité totale de 646 à 729 places.
Cela concerne 4 nouvelles maisons (Le Tournesol à Malmedy, la Maison Marie-Louise à Verviers, La maison Paul Henricot à Court-Saint-Etienne et la Ferme d’Aubligneux à Couvin) et correspond à une augmentation totale de 228 000 euros supplémentaires au budget 2017. Mais il faut, en plus d’augmenter la capacité d’accueil, accompagner le post-hébergement grâce au travail des services ambulatoires afin de faciliter la recherche d’un nouveau logement. Mes services suivent aussi avec beaucoup d’attention la réforme du logement social afin que les victimes de violences soient parmi les bénéficiaires « prioritaires ». - L’évaluation fait apparaître un grand besoin d’informations, de sensibilisation et de communication dans le secteur. C’est pourquoi nous avons choisi, comme expliqué ci-dessus, d’organiser un évènement le 6 juin pour présenter les résultats de l’évaluation et que le rapport complet de cette évaluation est consultable sur le portail de l’action sociale, via ce lien : http://socialsante.wallonie.be/sites/default/files/M_FINALEvaluation%20du%20dispositif%20concerté%20de%20lutte.pdf
- Parmi les autres recommandations issues de l’évaluation sont encore épinglées la diversité des conditions de subsidiation des services ambulatoires, leur répartition géographique déséquilibrée, un certain cloisonnement entre les différentes formes de violences, ce qui ne correspond pas à la réalité du terrain (associations spécialisées en violences conjugales, mais pas en violences sexuelles (viols), en mariages forcés ou en mutilations génitales féminines, alors qu’une victime peut connaître l’ensemble de ces violences), un manque de prise en charge des auteurs qui se fait actuellement pour l’essentiel par l’ASBL Praxis, et qui n’est pas toujours connue des autres services.
Enfin, pour répondre au dernier volet de la question, mes services ont travaillé durant plusieurs mois sur une proposition de texte de décret sur les services ambulatoires. Comme le souligne l’honorable membre, il a été nécessaire d’élaborer au préalable un état des lieux des services existants mettant en lumière un déséquilibre géographique.
Le 6 juillet dernier, le Gouvernement a adopté, pour rappel, en 1re lecture, l’avant-projet de décret insérant un Titre VIII dans le Livre Ier de la deuxième partie du Code wallon de l’action sociale et de la santé relatif à l’agrément des services et dispositifs d’accompagnement des violences entre partenaires et des violences sexistes.
Des réunions ont lieu régulièrement entre mes services et le secteur, via notamment les comités d’accompagnement. Une concertation avec l’ensemble du secteur sera organisée avant la fin de l’année afin de leur présenter le texte du décret et échanger avec eux sur le futur projet d’arrêté du Gouvernement wallon portant exécution du décret.
Concernant l’impact budgétaire, le montant des subventions octroyées aux services concernés, en augmentation constante depuis le début de la législature, devrait continuer à évoluer, d’abord, « marginalement » en 2018 pour passer de 530 000 à 550.000 euros. Les premiers agréments devraient intervenir au plus tard en 2019 et le budget total devrait alors s’élever à 715.000 euros.