Question d’actualité destinée à Monsieur le Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l’Action sociale et du Patrimoine.
Mme Morreale – Monsieur le Ministre, je vais bien poser ma question, car c’est un problème d’actualité et c’est un problème important.
Cela fait 30 ans que les centres de planning familial de Wallonie et de Bruxelles travaillent sur la contraception et les IVG. Il y a deux ans, on s’est rendu compte en Wallonie qu’il y avait un écueil juridique avec une difficulté pratique qu’il fallait résoudre. Monsieur le Ministre, on a déjà eu l’occasion d’en discuter un certain nombre de fois ensemble en commission. Ce problème relevait du Fédéral ; raison pour laquelle on a relayé à notre homologue de la Chambre, Mme Winckel avec d’autres collègues, a déposé une proposition permettant de résoudre le problème pour faire en sorte que les pilules du lendemain puissent bien, comme c’est le cas depuis 30 ans, être délivrées par les centres de planning familial, qu’il y ait un médecin ou pas, puisque c’est du personnel qui a l’habitude de travailler avec les jeunes femmes sur la contraception.
Il semble, hier, que la ministre Maggie De Block ait rejeté cette proposition. Cela suscite énormément de réactions parce que cette décision n’est pas admissible. C’est au législateur à s’adapter à la situation. Il y a des femmes et des jeunes femmes qui peuvent se trouver en détresse parce qu’elles vont sonner à la porte d’un centre de planning, qui est un centre de référence, qui a de l’expertise pour s’occuper de la contraception et qui, quand elles viendraient frapper à sa porte, se trouveraient face à un refus si l’on devait se reposer sur le cadre juridique tel qu’il est aujourd’hui.
Monsieur le Ministre, je voulais savoir si vous étiez informé de cette situation, de ce refus. Puis, il faut surtout que l’on en sorte et que la situation puisse perdurer. Il n’y a pas de raison que les centres de planning ne délivrent plus de pilule du lendemain. Qu’il y ait médecin ou pas, ces femmes doivent recevoir une réponse quand elles s’adressent au centre de planning, quand elles vont frapper à leur porte.
Vous qui avez la responsabilité des centres de planning – on sait que c’est une responsabilité conjointe – je voulais avoir votre réaction et votre proposition sur ce problème aigu.
M. Prévot – Madame la Députée, votre question est pleinement d’actualité. Les observateurs auront remarqué, depuis 24 heures, beaucoup d’inquiétude et d’étonnement sur ce sujet. La position qui est la mienne et celle du Gouvernement a toujours été limpide : nous ne souhaitons en aucune manière remettre en cause la faculté pour les centres de planning familial de délivrer les moyens contraceptifs appropriés, qu’il s’agisse de préservatifs – pour lesquels, d’ailleurs, il n’y a pas d’enjeu problématique – de la pilule plus classique et de la pilule dite du lendemain.
Aujourd’hui, il y a une situation qui reste problématique et qui continue de relever du pouvoir fédéral puisqu’il relève de l’art de guérir, cet acte de prescription qui n’est pas une compétence régionalisée.
Raison pour laquelle, à bon escient, des parlementaires écologistes et socialistes ont proposé des modifications du cadre légal au Fédéral, ce que ma collègue, Mme De Block, semble avoir refusé de vouloir suivre. J’ai pu évoquer hier ma surprise quant à la réaction de Mme De Block puisque, depuis trois ans bientôt, je ne cesse de l’interpeller pour qu’il y ait une évolution du cadre fédéral permettant, en toute sécurité et sérénité, aux centres de planning familial de continuer à faire cette délivrance sans être rattrapés et frappés sur les doigts en vertu de cette interprétation un peu souple du cadre légal.
Force est de constater que, n’ayant jamais obtenu de réponse, Mme De Block ayant toujours dit qu’elle n’avait pas l’intention de modifier la loi, notamment sur base des avis de l’Académie royale de médecine et du Conseil supérieur des médecins spécialistes et généralistes, devant faire contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai fait des propositions pour permettre une interprétation un peu souple du cadre et évoquer un modus operandi qui, s’il n’est pas le plus clair, le plus net et le plus souhaitable, a au moins comme atout de rassurer le secteur et de permettre cette délivrance dans une série de centres pour lesquels il y a une absence de médecin.
C’est sur base de la démarche pragmatique que je lui ai proposée, à défaut de voir venir une modification législative qu’elle ne veut pas, qu’elle a répondu hier que ce n’était finalement plus de son ressort, que c’était de la compétence des régions. Je trouve que c’est bien mal payer le fait d’être volontariste dans l’esquisse d’une solution de bon sens. Nous restons demandeurs qu’une grande clarté puisse être faite sur ces modalités légales. À défaut, nous continuerons, même si ce n’est pas la panacée, de faire des propositions constructives, notamment avec l’aide de bons qui pourront être délivrés par les centres pour garantir la gratuité de l’accès de la pilule lorsque l’intéressée devra se rendre dans une officine, à défaut de pouvoir disposer, outre d’un échantillon quelconque, de la délivrance de ladite pilule.
Ce n’est pas la panacée, mais dans le cadre législatif inchangé aujourd’hui, puisque le Fédéral ne souhaite pas bouger, j’ai peine à pouvoir faire mieux. Nous travaillons, le cas échéant, à édicter une circulaire qui apaisera – bien entendu, telle est notre volonté – le travail de grande qualité et de proximité actuellement réalisé par les centres de planning familial.
Mme Morreale – Je voulais, d’abord, remercier M. le Ministre pour l’intérêt qu’il porte à la question. Je sais, en effet, qu’il la suit – je veux le souligner – depuis deux ans pour essayer de trouver une solution.
À ce stade, il faut travailler en trois temps. Il faut rassurer les centres de planning et permettre une certaine latitude pour qu’ils puissent continuer à donner des pilules du lendemain aux femmes et aux jeunes filles qui s’y présentent.
Il y a un côté absolument absurde à la situation – vous l’avez dit d’ailleurs : on entre dans une pharmacie, on demande une pilule du lendemain, on l’obtient ; on va sur Internet, on veut prendre une pilule du lendemain, on pourrait la recevoir. Évidemment, il y a le côté urgent, donc, sur Internet, c’est trop long.
Selon Mme De Block, la solution transitoire ou la solution admissible serait que dans un centre de planning familial, on nous dit : « Non, on ne peut pas vous le donner, mais on peut vous donner un bon, et vous allez dans une pharmacie ». Il faut se mettre à la place de ces femmes qui sont dans une situation urgente et qui, dans les 24 heures, doivent ingérer un médicament pour ne pas se retrouver dans une grossesse qu’elles ne souhaitent pas.
Ce côté urgent, ce n’est pas une solution. C’est une piste de solution, mais il n’est pas praticable que l’on dise à la jeune fille d’aller à la pharmacie pour aller chercher sa pilule, parce qu’il y a aussi le côté anonyme. Si elle ne va pas dans une pharmacie, c’est peut-être parce que c’est une pharmacie de village, c’est peut-être parce que c’est quelqu’un qu’elle connaît et qu’elle ne franchira pas cette étape.
Il y va de notre responsabilité, à nous, Wallons, peut-être parce que c’est une spécificité des centres de planning familial, de trouver des solutions pour faire en sorte que ces centres puissent continuer, dans l’anonymat et dans l’expertise qui est la leur, à remplir correctement leur travail, dans l’intérêt des femmes et des jeunes filles.
M. Prévot – Je voudrais redire combien je souscris pleinement aux propos de Mme la Députée. En effet, son analyse de la situation vécue sur le terrain est très claire.
Hélas, à cadre législatif inchangé du côté du Fédéral, je n’ai pas la possibilité de pouvoir faire mieux. Je n’ai d’autre choix pour essayer de rassurer les opérateurs du secteur et les bénéficiaires finaux, ces jeunes filles ou moins jeunes qui seraient confrontées à une demande.
On bricole, dès lors, un petit peu avec une solution qui n’est pas optimale, celle notamment des bons qui pourraient être délivrés et permettraient une gratuité dans l’accès.
Cela ne me semble pas être la panacée, mais jusqu’à présent, n’ayant pas pu faire évoluer la législation fédérale depuis deux ans et demi, je n’ai d’autre choix que de devoir me satisfaire, avec un minimum de bon sens, d’une solution qui, certes, n’est guère la panacée, mais qui permet, au moins, d’avancer progressivement.
Ce n’est pas ce que j’aurais souhaité, mais c’est ce que je dois réalistement être amené à devoir faire pour soutenir le secteur et la finalité de l’action qu’il mène.
Mme Morreale – Il y a peut-être une solution, c’est de faire comme Mme Fremault le fait à Bruxelles : continuer à financer les pilules du lendemain dans les centres de planning familial bruxellois. C’est une solution qui est courageuse et je la félicite de ce qu’elle fait. Je pense que l’on pourrait avoir ce courage en Wallonie de dire : « Dans l’adversité, on continue à financer, dans nos centres de planning familial, les pilules du lendemain ».
En outre, je vous adjure, Monsieur le Ministre, de ne pas céder et de ne pas dire aux centres de planning qu’ils ne peuvent plus à ce stade. Je vous adjure d’avoir une certaine latitude vis-à-vis d’eux.
Sinon, de toute façon, je pense qu’ils ont un côté militant, qu’ils ont ancré en eux depuis plus de 30 ans, pour continuer à faire ce qu’ils font très bien depuis 30 ans.