Question orale à Monsieur le Ministre de l’Environnement, de la Transition écologique, de l’Aménagement du territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings
« Réduction de l’exposition aux pesticides »
Mme la Présidente. – L’ordre du jour appelle les questions orales à M. Di Antonio, Ministre de l’Environnement, de la Transition écologique, de l’Aménagement du territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings de :
- Mme Morreale, sur « la réaction cinglante de Nature & Progrès sur l’avant-projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 11 juillet 2013 relatif à une application des pesticides compatible avec le développement durable » ;
- M. Maroy, sur « l’encadrement de l’utilisation des pesticides par les agriculteurs ».
La parole est à Mme Morreale pour poser sa question.
Mme Morreale (PS). – Monsieur le Ministre, vous avez choisi, en partie, vous aussi, de changer de partenaire. C’est vrai que parfois, quand on change de partenaire, il faut aussi changer ses habitudes.
C’est vrai que, pendant 10 ans, la Wallonie a mené des combats justes vers une agriculture plus durable. On peut notamment penser à l’exclusion des OGM, au développement du bio et plus récemment au dossier du glyphosate ou des néonicotinoïdes.
Force est de constater que, depuis juillet, la dynamique connaît des ratés. Je ne sais pas si l’on doit parler de ralentis comme M. Denis l’avait dit, mais on sent une différence.
Par contre, il y a une habitude qui ne change pas, c’est cette tendance irrépressible d’annoncer des mesures qui ne résistent pas à l’analyse. Ainsi, il y quelques jours, vous avez annoncé une réduction drastique de l’utilisation des pesticides en Wallonie en présentant votre avant-projet d’arrêté. Le contenu de votre arrêté n’a pas résisté à l’analyse des spécialistes. Ce n’est pas moi qui le dis.
Je ne me considère pas comme une spécialiste en la matière. Par contre, c’est Nature & Progrès qui a répondu dans un communiqué en disant que cette réduction n’avait de drastique que le nom. L’Association de protection de l’environnement dénonce des mesures jugées insuffisantes, reprises dans votre projet d’arrêté. En effet, pour Nature & Progrès, les mesures exposées ne sont rien de plus que les pratiques de bon sens. Cela ne changera rien, disent-ils, aux pratiques habituelles.
Concernant l’obligation d’utiliser des buses qui réduisent les dérives de minimum 50 %, il faut savoir que les buses qui réduisent les dérives de 50 % devraient être la norme pour les traitements en plein champ et en zones d’habitat. Nature & Progrès opte pour, au minimum, 75 % de réduction de dérives.
Concernant l’interdiction de pulvériser lorsque la vitesse du vent est supérieure à 15 kilomètres par heure, c’est un second élément qui se trouve dans votre arrêté ; cela semble être une évidence tant les risques de dissémination sont élevés.
Concernant les zones tampons, Nature & Progrès demande la mise en place, le long des routes d’habitat de bandes tampons de 10 mètres de large consacrées à des cultures qui ne demanderaient pas de traitement aux pesticides. C’est une manière de ne pas priver les agriculteurs d’une partie des terrains alors que l’on sait que, pour les agriculteurs, c’est déjà très compliqué et de plus en plus compliqué de disposer de terrains. On pourrait envisager une cohabitation entre des agriculteurs qui utiliseraient des bandes sans traitement, mais qui pourraient les cultiver et des riverains qui pourraient ainsi vivre de manière harmonieuse et ne pas se retrouver dans des situations comme on les a connues où des citoyens et habitants ont mis en exergue une augmentation importante du nombre de cancers ; dossier visiblement toujours en cours.
Comment analysez-vous la réaction de Nature & Progrès ? Comment entendez-vous y faire droit ?
Mme la Présidente. – La parole est à M. Maroy pour poser sa question.
M. Maroy (MR). – Ce sera, Madame la Présidente, vous vous en doutez, un tout autre son de cloches.
Je ne vais pas polémiquer pour le plaisir avec Mme Morreale. Ici, le but est d’interroger M. le Ministre, mais il est évident que je ne peux pas partager ce qui vient d’être dit concernant notamment la dynamique qui est en place depuis le mois de juillet.
Monsieur le Ministre, le Gouvernement wallon a adopté fin avril de nouvelles règles d’utilisation des pesticides par les agriculteurs dont l’objectif est de réduire l’impact de ses produits sur les riverains des parcelles agricoles.
Trois mesures sont prévues et entreront en vigueur dès le 1er juin prochain : une obligation pour les agriculteurs d’utiliser un matériel d’application qui réduise la dérive du produit dans l’air de minimum 50 % ; interdiction de pulvériser lorsque la vitesse du vent est supérieure à 20 kilomètres par heure ou qu’elle atteint au moins trois Beaufort – c’est la règle en France, par exemple ; interdiction de pulvériser à moins de 50 mètres d’un établissement accueillant des enfants, que ce soit une école, un internat ou une crèche.
Le 1er juin, c’est demain. Des dispositions transitoires sont-elles prévues pour les agriculteurs ? Je pense surtout à l’équipement requis pour réduire la dérive. Des aides sont-elles éventuellement envisagées pour permettre aux agriculteurs de s’équiper d’un tel dispositif ? Contrairement à ce que Mme Morreale a pu dire, ce n’est pas rien. C’est un réel progrès.
Évidemment, il y a toujours des jusqu’au-boutistes comme Nature & Progrès, mais chacun va chercher ses références là où il le peut.
Sur le terrain, des agriculteurs vont devoir s’équiper d’un nouvel équipement. Y a-t-il là des dispositions transitoires et d’éventuelles aides ?
Une charte régionale de bonne pratique d’utilisation des produits phytopharmaceutiques va voir le jour. Pourriez-vous m’en dire plus sur le contenu, sur le côté contraignant ou pas de cette charte ? Quelles sont les sanctions prévues en cas d’infractions ? Quels sont les contrôles prévus ? Comment seront-ils effectués ? Un budget est-il, par exemple, prévu à cet effet ?
Une étude a été confiée à l’ISSeP. Elle se concentrera sur l’impact réel de l’exposition aux pesticides. Les résultats n’arriveront qu’en fin d’année. Certains, dans le milieu agricole, estiment que l’on aurait pu attendre les résultats avant de prendre des mesures. Le Gouvernement a choisi le principe de précaution.
Comment s’adaptera le texte en fonction des conclusions de l’étude ?
Est-il rédigé de manière à permettre de modifier facilement celui-ci ?
Mme la Présidente. – La parole est à M. le Ministre Di Antonio.
M. Di Antonio, Ministre de l’Environnement, de la Transition écologique, de l’Aménagement du territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings. – Madame et Monsieur les députés, je ne vais pas revenir sur les mesures ; M. Maroy vient de le faire. Les mesures principales sont le système antidérive, le vent et la distance par rapport aux publics sensibles lorsqu’il est présent dans l’établissement concerné.
Cela a effectivement été approuvé en première lecture. Nous avions le choix entre ceci ou attendre le résultat de l’étude. Le principe de précaution qui a prévalu est on fait d’abord ceci et puis, fin de l’année, on aura le résultat de l’étude. On adaptera en conséquence et en fonction des résultats de celle-ci. C’est une très grosse étude. On porte beaucoup d’espoir sur les résultats qui en ressortiront pour avoir une vraie connaissance de la situation en espérant qu’elle soit moins problématique que certains ne le pensent. On en prendra connaissance et on agira en conséquence.
Concernant le coût des buses antidérive, on peut l’estimer à environ 500 euros. On va voir avec le ministre de l’Agriculture lors de la seconde lecture, s’il y a, au niveau des aides agricoles, des choses qui sont possibles à ce niveau-là.
Sur l’entrée en vigueur, ce ne sera pas possible le 1er juin puisque le texte ne sera pas approuvé avant le 1er juin. L’idée est de laisser un délai de quelques mois entre l’approbation dans l’ultime lecture et l’entrée en vigueur que les gens aient la possibilité de s’équiper, notamment sur ce débat des buses antidérive. Je ne pense pas que le secteur soit vraiment opposé au fait que l’on ait des buses antidérive. Cela n’a pas été évoqué lors des concertations, y compris avec celles de Nature & Progrès. L’idée est d’aller des buses 50 vers des buses 75. Dès que le texte sera définitivement approuvé, on fixera une entrée en vigueur raisonnable, mais ce sera sans doute en septembre ou en octobre 2019.
Outre ces mesures réglementaires, le projet prévoit aussi la mise en place d’une charte régionale de bonne pratique d’utilisation des produits phytos pharmaceutiques à laquelle chaque utilisateur professionnel sera libre de souscrire. Cette charte sera rédigée en concertation avec les organismes représentatifs des secteurs concernés.
Les sanctions sont celles déjà existantes pour des infractions similaires ; c’est le décret de 2013 sur les pesticides ainsi que son arrêté d’exécution qui précisent tout cela. Les contrôles seront effectués par les différents services de la Région wallonne assurant déjà les contrôles notamment via le contrôle du carnet de champs, qui devra mentionner les conditions de vent.
Comme annoncé dès le lancement de l’étude PROPULPPP, la fameuse étude sur l’ensemble du territoire concernant l’usage de produits phytos, l’arrêté sera revu si nécessaire en fonction de ses conclusions.
Madame Morreale, concernant la réaction Nature et Progrès, je comprends leur demande de mesures plus strictes qu’ils ont eu l’occasion de me formuler. Ils ont été entendus comme les autres organismes représentatifs des secteurs concernés. Les mesures présentées au Gouvernement sont le résultat de ces concertations et pourront être revues, comme je l’ai déjà dit, à la lumière des résultats de l’étude en cours. S’il s’avère que des mesures plus efficaces sont nécessaires, elles seront envisagées sur base des conclusions de l’étude.
Cela vaut la peine de comparer avec ce que l’on a fait dans les pays suivants. Je peux vous dire que la combinaison des trois mesures telles qu’elles sont prises nous mettent vraiment dans le peloton de tête des dispositions qui ont été prises en fonction de cette directive. On parle du vent et des systèmes antidérives en France, mais il n’y a pas de zone de recul prévue comme nous le faisons. En Flandre, apparemment, il n’y aurait pas d’accord pour le moment.
Je pense que l’on a un texte qui est raisonnable pour une période transitoire en attendant de voir clairement quelle est la situation via l’étude en cours. Je ne partage donc pas votre avis sur le fait que ce texte… D’ailleurs vous avez soutenu en son temps un texte, en 2013, qui était bien moins ambitieux que celui-là, puisqu’il ne créait ni système antidérive, ni limite de vent, ni zone tampon.
Mme la Présidente. – La parole est à Mme Morreale.
Mme Morreale (PS). – Sauf qu’entre-temps, Monsieur le Ministre, on a eu des essais qui ont démontré que 600 mètres…
Monsieur Maroy, vous pourrez réagir après, mais écoutez-moi quand même.
Comme je le disais, on a des chercheurs, notamment à Gembloux, qui ont montré que non seulement on avait, dans le cadre des informations qui sont nées à partir des habitants de Fernelmont… Il faut reprendre l’historique : on a des habitants qui s’inquiètent en disant : « On a le sentiment qu’il y a plus de cancer et on habite dans des habitations proches de zones agricoles qui sont pulvérisées. » De là, on s’intéresse davantage encore sur les pulvérisations en disant : « Quelle est la situation ? Jusqu’où les gouttes et les vapeurs d’eau ou les poussières renvoient les pulvérisations et renvoient les pesticides utilisés dans les champs ? » On se rend compte que non seulement ce n’est pas trois mètres, cinq mètres, 10 mètres, 12 mètres, 50 mètres, mais que l’on a parfois des molécules qui se transfèrent à 600 mètres. C’est ce que M. Bruno Schiffers a relevé dans une cour de récréation où se trouvent des enfants qui jouent.
Chacun d’entre nous doit être interpellé par cet état de fait et sur le changement de pratique nécessaire. La meilleure manière de pouvoir réduire les pulvérisations auprès des habitations, c’est de ne plus utiliser ce type de produit là. C’est le premier combat que l’on doit mener en parallèle de produits alternatifs qui ne sont pas nocifs pour l’environnement et pour la santé que l’on doit développer.
Ce n’est pas le jour où l’on se dit : « l’Union européenne va interdire les néonicotinoïdes » qu’il faut confier une étude – je parle du Fédéral ici – pour voir par exemple s’il y a des alternatives dans la betterave. Cela fait assez longtemps que cela nous pendait sous le nez pour pouvoir s’en rendre compte.
Ici, en l’occurrence, on sait très bien que, depuis l’histoire de Fernelmont et notamment depuis l’essai, cela a fait ressortir des choses. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Nature et Progrès notamment et c’est Inter-Environnement Wallonie. Inter-Environnement Wallonie dit notamment que, en gros, le ministre ne fait qu’intégrer certaines bonnes pratiques dans la loi et rien de plus, que ce sont des moyens techniques qui devraient aller un peu au-delà.
On a connu le ministre plus ambitieux. Il nous revient que notre agriculture en Wallonie est une des plus intensives en termes d’utilisation des pesticides, que c’est surtout le cas pour les champs de pommes de terre qui sont utilisées dans nos terrains agricoles à 12,5 % et qui continuent à être de plus en plus utilisées sur les terrains agricoles alors que l’on sait que ce type d’agriculture là nécessite beaucoup de traitements. Par exemple, pour la culture de pommes de terre, on utilise jusque 20,9 kilos par hectare.
On pourrait et on devrait envisager que les types de culture qui font l’objet de pulvérisations et de beaucoup de pulvérisations doivent se trouver bien loin des habitations. Il ne suffit pas uniquement de les mettre loin des crèches et des écoles, mais il faut aussi les mettre loin des habitations, parce que dans les maisons vivent des femmes, des hommes, des femmes enceintes et des enfants.
En la matière, il faut être ambitieux et s’assurer de protéger notre population. Je relaie ce que disent des associations environnementales. Chacun d’entre nous devrait être un peu plus attentif encore à ce type de dossier.
Mme la Présidente. – La parole est à M. Maroy.
M. Maroy (MR). – Je pense que M. le Ministre a mis le doigt sur les contradictions du PS de manière très flagrante : le PS a été bien moins exigeant lorsqu’il était aux manettes. Il a eu le temps d’agir, Madame Morreale, avec trois décennies au pouvoir. La vérité, c’est que le PS se réveille lorsqu’il…
Mme Morreale (PS). – Et vous, combien ? Je pense que je n’étais pas encore majeure quand vous étiez déjà au pouvoir.
M. Maroy (MR). – Vous me demandiez, il y a dix secondes, de me taire.
Mme Morreale (PS). – Sauf que là, c’est à moi que vous vous adressez. C’est un fait personnel. Je ne vous répondais pas à vous, je répondais au ministre.
M. Maroy (MR). – Vous me demandez de me taire et vous m’interrompez au bout de 15 secondes.
Mme Morreale (PS). – Je vous dis que c’est un fait personnel, c’est différent.
M. Maroy (MR). – Vous avez eu le temps d’agir et vous ne l’avez pas fait. Vous êtes restés 30 années au pouvoir et le PS se réveille subitement en juillet 2017. Oui, Madame Morreale, ce qui a changé, c’est que le PS est dans l’opposition. Je ne partage évidemment pas du tout la vision apocalyptique de ma collègue. Faire peur aux gens, tout le monde sait le faire. Prendre des mesures…
Madame Morreale, vous avez dit : « Ce ne sont que des mesures de bon sens ». Le bon sens doit être un peu plus présent dans la manière de conduire les politiques. C’est que le ministre et, derrière lui, le Gouvernement viennent de faire : prendre des mesures qui sont strictes, qui sont contraignantes, qui sont peut-être certes effectivement de bon sens.
Pas plus tard que ce week-end, je discutais avec un ami agriculteur de ma commune qui me disait qu’il avait préparé un mélange de 2500 euros dans son pulvérisateur, qu’il est allé à quelques kilomètres dans le champ et il s’est rendu compte que le vent s’était levé, il n’a pas pulvérisé. C’est la vérité, Madame Morreale. La vérité, c’est que la plupart des agriculteurs ne sont pas des bandits. Ce sont des gens qui sont aussi sensibles…
(Réaction d’un intervenant)
Le portrait que vous brossiez tout à l’heure était un peu dénigrant.
En conclusion, je me réjouis des mesures qui ont été prises : des mesures de bon sens qui visent à protéger les riverains sans tomber dans des excès qui ne pourraient que nuire à ce qui constitue quand même aussi une activité économique.
Mme Morreale (PS). – Madame la Présidente, je demande la parole pour fait personnel parce que je pense que ce n’était pas loin de l’insulte.
Mme la Présidente. – Si vous voulez, mais très brièvement parce que le temps accordé aux répliques est déjà largement dépassé.
Mme Morreale (PS). – Faut-il préciser que je n’ai jamais dit que les agriculteurs sont des bandits ? Franchement, c’est du populisme de faire ce genre de déclaration. Jamais ! Et venir dire que j’attends 2017 pour travailler sur les questions environnementales, franchement, Monsieur Maroy, c’est vraiment…
Le PS, en l’occurrence, c’est mon parti. Vous ne pouvez pas dire que, depuis que je suis parlementaire, je ne travaille pas sur…
M. Maroy (MR). – Je dis que le PS a eu 30 ans pour prendre des mesures contraignantes qu’il n’a pas prises. Voilà ce que j’ai dit, Madame Morreale.
Mme Morreale (PS). – Je comprends que vous soyez mal à l’aise et je comprends que dans les dossiers liés à l’environnement et à l’agriculture, vous ne soyez pas effectivement à un paradoxe près et donc que la meilleure défense dans ces cas-là, c’est l’attaque.
Mme la Présidente. – La parole est à M. Maroy.
M. Maroy (MR). – Je ne suis évidemment absolument pas mal à l’aise, je me réjouis plutôt de voir que ce Gouvernement prend des mesures que le PS n’a pas été fichu de prendre au cours des 30 dernières années. Point final, et on passe à la question suivante.