Les enfants roms scolarisés par erreur dans l’enseignement spécialisé
Question écrite de Madame la Députée Christie Morreale à Madame la Ministre Joëlle Milquet en charge de l’enseignement obligatoire
Ce 8 avril, le centre interfédéral pour l’égalité des chances lançait un constat particulièrement choquant : beaucoup d’enfants roms sont dirigés vers l’enseignement spécialisé par erreur.
Déjà l’année passée, une étude de l’Université de Gand tirait la sonnette d’alarme : un enfant rom sur trois serait orienté de manière erronée dans l’enseignement spécialisé. Le centre interfédéral n’hésite pas à parler d’orientation « à grande échelle ». Ce phénomène touche principalement les grandes villes : on parle donc de Bruxelles, Namur, Charleroi ou Liège.
Ce n’est donc pas la première fois que ce constat est dressé. La semaine passée encore, l’observatoire des inégalités montrait combien la corrélation entre un niveau socio-économique faible et la fréquentation de l’enseignement spécialisé était importante : les enfants des quartiers les plus pauvres y sont surreprésentés.
Ainsi, par le biais de l’orientation vers le spécialisé, l’école ordinaire exclut des enfants qu’elle ne devrait pas exclure. Beaucoup d’enfants sont jugés inadaptés à l’enseignement ordinaire pour des raisons culturelles, sociales, affectives. Un enfant qui prend du retard dans ses apprentissages à cause d’une situation familiale difficile à gérer, par exemple, ou parce que le français n’est pas sa langue maternelle, peut se retrouver exclu de l’enseignement ordinaire alors qu’il ne souffre d’aucun trouble durable. Un encadrement plus adapté pourrait, dans la cadre majorité des cas, permettre à ces enfants
Ces orientations abusives ont, nous le savons, de lourdes conséquences sur le futur développement de ces enfants. Tout d’abord, il s’agit, psychologiquement, d’un choc important. Deuxièmement, cette orientation a un impact majeur sur la formation future de ces jeunes, tant la possibilité de rejoindre l’enseignement ordinaire est infime. Ces chiffres ont déjà été évoqué à de nombreuses reprises au sein de cette commission mais je souhaite tout de même les mentionner de nouveau : seulement 43% des enfants sortant de l’enseignement spécialisé de type 8 intègrent l’enseignement secondaire ordinaire, avec une orientation massive vers la 1er différenciée. Seuls 15% des enfants ayant fréquentés l’enseignement de type 8 finissent le parcours secondaire « dans les temps ».
Madame la Ministre, le Centre interfédéral réclame une évaluation de l’intégration des enfants roms dans l’enseignement ordinaire. Combien sont-ils à fréquenter l’enseignement spécialisé ? Dans quel type d’enseignement sont-ils particulièrement orientés ? Sont-ils orientés de manière abusive ? Quelles sont les justifications permettant d’explications ces orientations massives ? Toutes ces questions méritent une réponse rapide de votre part.
Enfin, partagez-vous un constat similaire à celui du Centre interfédéral ? Si c’est le cas, quelles solutions envisagez-vous ?
Réponse de la Ministre :
Madame la Députée,
Je me permets de vous renvoyer vers la réponse transmise lors de la Commission Education du 28 avril 2015 et pour les actions mises en place de manière spécifique dans la scolarisation des enfants Roms, je vous invite à prendre connaissance des éléments développés dans la Commission du 13 janvier 2015.
Le constat, développé par le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, n’est pas nouveau. Plusieurs actions seront mis en place pour améliorer la scolarisation des élèves issus d’un milieu socio-économique faible dans l’enseignement ordinaire et freiner, de manière général, leur orientation trop rapide vers l’enseignement spécialisé.
Ainsi, dans la grande réforme initiée par le pacte pour un enseignement d’excellence, j’ai prévu de consacrer le 4ème Groupe de travail au parcours des élèves.
Les élèves d’origine roms seront bien évidemment intégrés dans cette large réflexion et devraient donc, à terme, bénéficier également des résultats escomptés par la mise en place du pacte pour un enseignement d’excellence.
Pour autant, je ne partage pas le terme de relégation vers l’enseignement spécialisé. Cet enseignement répond, et souvent de manière très qualitative, à sa mission première de rencontrer les besoins éducatifs spécifiques des élèves en difficulté.
Il s’agit surtout d’éviter une orientation vers l’enseignement spécialisé des élèves qui pourraient rester dans l’enseignement ordinaire moyennant quelques adaptations ou aménagements raisonnables.
Plusieurs dispositifs structurels ont été mis en place depuis plusieurs années ou ont été récemment améliorés comme le dispositif d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants qui, dans l’enseignement secondaire, est ouvert aux élèves de nationalité étrangère et qui ne maîtrisent pas la langue française. Dans l’enseignement fondamental, des périodes d’adaptation à la langue de l’enseignement sont octroyées depuis plusieurs années aux écoles qui les accueillent.
De manière générale, l’encadrement différencié et les dispositifs d’accrochage scolaire prévus par les décrets sectoriels et intersectoriels du 21 novembre 2013 permettent également l’émergence de projets et/ou d’actions d’accrochage, de remédiation en langue française et ainsi privilégier une approche globale de la scolarisation des publics précarisés notamment les enfants Roms. L’école peut s’approprier cette dynamique pour l’adapter aux différents publics qu’elle accueille.
De manière plus particulière, des actions ciblées sont menées par des ASBL comme Le Foyer à Bruxelles (Création d’une valise pédagogique) et du Centre des gens du voyage en Wallonie qui doivent continuer à être soutenus par l’Education permanente et par l’Enseignement.
Je vous remercie pour votre question.