Région wallonne, question orale du 24 juin 2015
Monsieur le Ministre, un rapport de Greenpeace fait beaucoup de bruit ces derniers jours puisqu’il est question d’une étude qu’elle a réalisée sur les fruits et les vergers qui vont produire les fruits pour la grande distribution.
Ce rapport européen a l’air accablant puisqu’il parle de contamination importante, d’un nombre très élevé de pesticides qui sont trouvés au sein de ces fruits, et principalement des pommes dont on dit qu’elles sont gorgées de pesticides.
J’aurais voulu avoir votre avis sur cette enquête puisqu’elle classe la Belgique dans le top 3 des aliments qui seraient touchés par le plus de pesticides. J’aurais donc voulu avoir votre éclairage. Je parle là de la Belgique. Qu’en est-il de la Wallonie ? Considérez-vous aussi que la nocivité cause des difficultés en termes de santé ? Trouvez-vous que cette étude est crédible ? J’aurais voulu avoir votre éclairage sur la question. A-t-on des raisons de s’inquiéter. Dans l’absolu, quand on a envie de prendre des fruits, c’est plutôt pour un cocktail de vitamines et non pour un cocktail de pesticides.
Au-delà de l’étude de Greenpeace, c’est peut-être l’occasion de mettre l’accent sur trois possibilités de production pour nos fruits. On sait que c’est un secteur important en Wallonie. Il y a la production « conventionnelle » qui effectivement utilise des pesticides, même s’il y a des normes européennes. D’ailleurs, l’étude de Greenpeace dit que l’on est en deçà des fameuses normes NLMR qui sont autorisées, mais considère néanmoins que c’est à la fois nocif et beaucoup trop nombreux. C’est l’occasion de mettre en lumière l’agriculture qui n’est pas conventionnelle, mais qui est intégrée et qui utilise beaucoup moins de pesticides, de manière beaucoup plus sélectionnée, mais également le secteur bio.
On a des éclairages. Vendredi dernier, un certain nombre de parlementaires ont pu, dans le cadre de la semaine soit du bio, soit de la consommation intégrée, avoir des exemples d’agriculteurs qui utilisaient ce mode d’agriculture plus respectueux. Il est vrai que c’est important pour les consommateurs et pour la production en général. Si l’on a envie d’une production durable au niveau agricole, il est important aussi de respecter le consommateur et de faire en sorte que nous consommions moins d’aliments avec des pesticides.
Comment travaille-t-on en Wallonie pour faire en sorte que l’agriculture soit intégrée et qu’il y ait moins de pesticides utilisés ? In fine, les consommateurs sont-il informés et ont la possibilité de consommer de manière respectueuse. Quand on a des fruits et légumes, on ne sait pas toujours s’il y a beaucoup de pesticides, si cela a été utilisé de manière intégrée raisonnée, ou bien si c’est bio. Mais là, effectivement, il existe des labels.
Je m’étais dit que c’était l’occasion de vous entendre sur ces deux points, Monsieur le Ministre.
Réponse du Ministre :
Mesdames les députées, par rapport à la crédibilité et validité de l’étude, je ne vais pas me prononcer maintenant. J’ai demandé à voir l’étude puisque je n’en ai vu, comme vous, que les extraits dans la presse. J’ai entendu hier Mme Boulet de Greenpeace Belgique l’expliciter.
Ce qui m’interpelle c’est le fait qu’il n’y ait que 85 échantillons sur 12 pays, dont 36 sur des analyses d’eau, 49 sur des analyses de sol. Je ne suis pas là pour rassurer, je vais montrer tout ce que l’on fait et ce que l’on doit faire.
Un des deux produits visés, le DDT, est interdit depuis 40 ans. On le retrouve encore, partout, car c’est un produit rémanent. On le retrouve même chez les Esquimaux. Il faut avouer que c’est un travail de longue haleine.
Nous sommes engagés dans un Plan wallon de réduction des pesticides. Nous respectons la directive européenne, mais au-delà de cette directive, il y a une obligation que nous devons nous faire d’un point de vue politique, moral, pour la santé de nos concitoyens, le développement et l’avenir de notre fruiticulture.
Il y a eu un audit au mois d’avril des services européens. Cet audit nous a indiqué que nous sommes exactement dans les bonnes conditions de travail pour respecter toutes les normes et, donc, pour avancer dans la réduction des pesticides. C’est quelque chose qui fait toujours plaisir à entendre. Dès que j’aurai le rapport définitif, j’en donnerai connaissance au Parlement.
Au niveau de la consommation, c’est l’AFSCA, service fédéral, qui est compétente pour apprécier la présence ou non – par rapport aux quantités maximales autorisées – de résidus de pesticides dans toute l’alimentation vendue en Belgique, ainsi qu’au niveau des fruits et légumes.
Je solliciterais donc l’AFSCA, dès que j’ai l’étude de Greenpeace, pour savoir ce qu’elle pense de cette étude. C’est un élément d’information qui me paraît également important.
Il faut évidemment être très prudent. Le raccourci de l’information et le raccourci de ce qui a été dit de cette étude peut avoir un effet complètement inverse à ce que tout le monde cherche. Tout le monde cherche à ce que l’on consomme davantage de fruits, c’est indispensable pour l’alimentation. Tout le monde cherche à ce que l’on consomme de bons fruits. En Wallonie, nous avons de bons fruits.
Je ne sais même pas où se trouvent les trois exploitations qui ont été examinées. Se trouvent-elles intégralement, sans jeu de mots, en Flandre ou en Wallonie ?
Ce que je peux vous dire, en tout cas, c’est qu’en Wallonie, la production fruitière est en avance par rapport aux autres secteurs agricoles, chez nous, et sûrement par rapport aux autres Régions, y compris à l’extérieur du pays. Nous sommes engagés depuis longtemps dans la pratique de la lutte intégrée. Nous sommes en plus avec des centres pilotes qui sont extrêmement performants, qui sont extrêmement suivis. Nous avons un réseau qui, depuis plusieurs années, permet d’identifier les fruits qui sont produits dans le cadre de la lutte intégrée. Vous avez rappelé que nous avons également un secteur bio qui est de plus en plus important. Nous avons aussi tous les circuits courts, mais nous avons, y compris dans la grande distribution, d’ailleurs – je ne suis pas là pour la défendre, mais je dois la vérité de le dire – se trouvent aussi des productions de la lutte intégrée. Elles sont identifiées comme telles et on peut les trouver facilement.
Ce qu’il faut, c’est privilégier les achats locaux et régionaux. Il faut, dans la mesure du possible, faire confiance à celles et ceux qui font des efforts particuliers en qualité différentiée : soit le bio, soit la lutte intégrée. Vous aurez, comme moi, entendu hier, dans un média, la réaction courroucée – à mon avis légitimement courroucée – du président de la Fédération des fruiticulteurs et horticulteurs wallons, parce que l’on a tendance à mettre toutes les pommes dans le même panier et à ne pas faire la distinction.
En tout cas, il est nécessaire de continuer à travailler dans la réduction des pesticides de manière générale. Nous avons décidé d’investir dans la recherche. Nous le faisons de manière très importante, que ce soit au niveau de la fruiticulture avec les centres pilotes, avec le CRA-W ou que ce soit dans la thématique que vous avez abordée, qui est celle de la biodiversité et de la protection de nos abeilles. Vous savez qu’il n’y a pas un lien direct, mais nous voulons en être certains, parce que nous voulons maintenir nos populations d’abeilles. Elles sont nécessaires pour la biodiversité, mais aussi pour la qualité de notre alimentation.
Je pense que l’on est une Région qui peut se targuer d’avoir une longueur d’avance dans cette politique de préservation de la qualité de l’alimentation et de la qualité de la biodiversité. On va veiller à ce qu’il en reste ainsi.
Réplique de Christie Morreale :
Je voudrais commencer ma réplique en soulignant la volonté du Gouvernement wallon de diminuer les produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants, comme on en a déja eu l’occasion d’en discuter avec votre collègue de l’Environnement, a la fois sur les néonicotinoïdes, pour lesquels il souhaite aller beaucoup plus loin et sur le glyphosphate sur lequel il souhaite aller un petit peu plus loin. Je voudrais que cela aille encore un peu plus loin et que l’on aille vers l’interdiction, mais en tout cas, je souligne les efforts. Je pense qu’il ne faut pas opposer les agriculteurs aux consommateurs et a l’environnement. On doit travailler de concert, ensemble. Il faut effectivement soutenir les agriculteurs dans leurs démarches pour pouvoir faire en sorte qu’ils puissent avoir une production, en sachant qu’ils vont utiliser moins de produits chimiques, mais aussi faire en sorte que nous, consommateurs, nous consommions local. Enfin, il est important de savoir ce que l’on a dans notre assiette. De ce point de vue, on doit encore faire des efforts. Si le consommateur était vraiment informé correctement de savoir, quand il choisit d’acheter des fruits ou des aliments en général, ce qu’il y a derrière, le nombre de pesticides, le nombre de produits chimiques qui sont dedans pour qu’ils puissent pousser et être consommés, je pense que les habitudes alimentaires, les habitudes de consommation changeraient et que cela induirait aussi un changement de comportement de la part des agriculteurs qui adopteraient des comportements qui soient plus sais pour l’environnement comme pour la santé. Enfin, je pense que, comme vous l’avez dit, puisque vous ne disposez pas de l’étude et donc que vous ne pouvez pas encore la transmettre au Parlement, que nous pourrons revenir en commission de manière plus approfondie sur la question.