Question écrite destinée à Monsieur le Ministre des travaux publics, de la Santé, de l’action sociale et du patrimoine
En Belgique, lorsqu’un enfant ou adulte présente un trouble du langage, des séances de logopédie sont prescrites et remboursées dans le cadre de l’assurance obligatoire soins de santé. Toutefois, pour les troubles du développement du langage et la dysphasie, l’assurance n’interviendra pour une prise en charge « mono disciplinaire » que si le patient justifie d’un quotient intellectuel supérieur à 86. En effet, l’article 36 de l’annexe de l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire juge non recevable le remboursement des prestations de logopédie lorsque les enfants présentant des troubles du développement du langage ou atteints de dysphasie ont un QI inférieur à 86.
Pourtant, d’après les acteurs de terrain, un meilleur accès à la logopédie leur permettrait d’améliorer leurs capacités cognitives et communicationnelles et partant, d’augmenter leurs résultats au test de QI.
L’objectif avancé par le législateur fédéral pour justifier cette mesure est de privilégier une prise en charge multidisciplinaire comportant de la logopédie dans un établissement ayant conclu avec l’INAMI une convention de rééducation fonctionnelle.
Cette prise en charge multidisciplinaire s’effectue donc au sein des Centres de réadaptation ambulatoire (en abrégé C.R.A., jadis appelés « centres ORL-PSY »), qui dépendent des régions. Or, il me revient qu’ils sont difficilement accessibles d’un point de vue géographique[1] et les délais d’attente atteignent parfois 2 ans.
De plus, les enfants bénéficient, via une convention signée avec l’INAMI, d’un quota d’heures de prise en charge. Une fois ce quota atteint, ils doivent céder leur place.
Le 5 septembre dernier, le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées a recommandé une nouvelle fois d’élargir le remboursement des frais de logopédie aux enfants présentant un QI inférieur à 86. Cet avis déplore également le manque structures concernées, qu’elles soient très dispersées géographiquement, affichent des listes d’attente très longues, ou encore n’offrent qu’une prise en charge moins intensive que souhaité (en tout cas, moins intensive que la logopédie « monodisciplinaire » de la « nomenclature »).
Interrogée à ce sujet, Madame la Ministre fédérale de la santé estime qu’aujourd’hui, l’assurance obligatoire soins de santé comble les lacunes au niveau de l’organisation des centres de rééducation ambulatoire.
Monsieur le Ministre, confirmez-vous les constats dressés dans cet avis ? Comment entendez-vous étendre et améliorer l’offre de service de ces centres ?
Combien d’enfants sont actuellement pris en charge dans ces centres multidisciplinaires ?
Enfin, des discussions avec votre collègue du Fédéral ont-elles lieu sur ce sujet, qui concernent aussi bien le niveau fédéral que le niveau régional ?
Réponse
Les centres de réadaptation ambulatoires (CRA) sont encore actuellement gérés par l’INAMI pour la Région wallonne puisque la période transitoire, définie par le protocole d’accord entre les différentes autorités de santé, reste d’application jusqu’au 31 décembre 2018.
Cependant, j’ai demandé à l’Agence pour une vie de qualité de rencontrer les centres de réadaptation ambulatoires et d’analyser leurs besoins. Une première rencontre s’est déroulée et a permis de situer de manière générale la gestion de cette compétence, en termes de services ambulatoires liés à la première ligne de soins et de prendre connaissance des appréhensions du secteur via ses représentants.
L’Agence s’était donné jusque fin janvier avant de rencontrer les acteurs de terrain liés aux compétences et l’avait annoncé à l’UNIPSO. En effet, en matière de santé, 50 % du personnel en charge de la matière a été transféré de la DGO5 à l’Agence, l’autre moitié provenant des autres secteurs du SPW et d’autres organismes d’intérêt public. La période d’octobre 2016 à janvier 2017 a donc été utilisée pour intégrer ce nouveau personnel, avec la volonté de ne pas exposer ce personnel aux secteurs sans qu’il ait bénéficié de l’information et de la formation requise. Une nouvelle rencontre sera organisée tout prochainement avec les représentants des CRA (mais aussi des centres de réadaptation fonctionnelle ou CRF) afin d’envisager avec eux les modalités de collaboration, de collecte de données et d’évaluation.
Pour en venir aux questions de l’honorable membre, il convient d’examiner la situation de manière globale. Si les CRA ne sont pas nombreux et ne sont pas répartis harmonieusement sur le territoire, il est toujours possible pour les parents de se tourner vers les équipes pluridisciplinaires des services de santé mentale (SSM) dont les équipes dédiées aux enfants comportent des logopèdes.
L’accessibilité aux SSM est plus importante, que ce soit au niveau territorial ou financier. Dans tous les cas, la spécificité du travail logopédique en SSM est de s’inscrire dans une équipe pluridisciplinaire composée d’un psychiatre ou pédopsychiatre, de psychologues, assistants sociaux et de travailleurs à média (logopèdes, kinésithérapeutes ou psychomotriciens).
Le SSM établit un programme de soins qui tient compte de l’enfant dans sa globalité et dont la finalité est de tendre vers un développement le plus harmonieux possible. Un enfant présentant des troubles du langage présente souvent des difficultés dans d’autres domaines, notamment de troubles du comportement. La logopédie s’avère donc très souvent une porte d’entrée vers une prise en charge psychologique et/ou un travail avec la famille. Les logopèdes salariées en SSM prennent en charge les enfants, que le QI soit supérieur ou inférieur à 86, et ce d’autant que les tests de QI chez les enfants ne reflètent pas toujours le niveau intellectuel de celui-ci. Trop de facteurs perturbateurs interviennent dans le passage de ces tests. Ainsi, un test effectué en début de prise en charge n’aboutira pas au même résultat que s’il est pratiqué après plusieurs semaines de travail, ne serait-ce que parce qu’intervient le facteur de stress. Dans les SSM, le coût n’est donc pas un frein à la consultation et la prise en charge reste accessible à ces enfants et à leur famille pour les soutenir dans leur développement.
À ce stade, je n’ai pas suffisamment d’information pour décider de modifier l’offre de service des CRA ou SSM. Pour la même raison, je ne suis pas en contact avec ma collègue, la Ministre Fédérale de la Santé, sur ce sujet. Cependant, je viens de contacter l’INAMI pour avoir des chiffres sur le nombre d’enfants pris en charge dans les CRA et dans les CRF.
Sur cette base, ainsi que sur base des discussions que j’aurai avec l’INAMI et avec l’AViQ, je pourrais ensuite me prononcer sur d’éventuelles modifications. Ce processus prendra du temps et je ne peux pas assurer que l’AViQ aura récolté suffisamment d’informations avant la fin de 2017. Je rappelle cependant qu’en matière de soins de santé, comme le sait l’honorable membre, le budget est limité. Nous devons dès lors mettre des priorités.
[1] A titre d’exemple, il n’existe aucun centre dans la province du Brabant Wallon et du Luxembourg.