Question écrite à Monsieur Borsus, Ministre de l’Agriculture
La sur-mortalité des abeilles domestiques et sauvages est un phénomène que nous connaissons malheureusement bien et qui n’est pas la résultante d’une cause unique (changement climatique, utilisation massive de pesticides, maladies, acariens comme le Varroa destructor,…). Sur les 370 espèces d’abeilles sauvages connues, plus de la moitié sont rares ou en très forte régression. Certaines ont même déjà totalement disparu du pays.
Or ce déclin met en péril le service de pollinisation, avec des conséquences potentielles non seulement sur l’économie mais aussi sur notre sécurité alimentaire. En effet, si l’on a pu chiffrer, très probablement en la sous-estimant, la contribution de la pollinisation à l’économie européenne (14,2 milliards d’euros par an), on sait désormais que nos pollinisateurs sont trop peu nombreux pour répondre à nos besoins agricoles. Une tendance qui risque de s’aggraver étant donné la demande croissante en produits alimentaires et en agrocarburants. Les pertes pourraient être considérables : près de 13 milliards d’euro pour la culture du soja uniquement.
L’ensemble de ces questions relèvent de la compétence du Sénat dans la mesure où elle concerne une matière fédérale qui a une influence sur les compétences des entités fédérées en matière d’agriculture, de biodiversité, de préservation de la nature, d’environnement,…
Comme chaque année, dès le printemps, les fédérations apicoles effectuent un premier monitoring des pertes posthivernales. Quels en sont les premiers échos ? Disposez-vous déjà, à l’heure actuelle, de données relatives à la mortalité des abeilles ? Constatez-vous une diminution ou une augmentation de la mortalité ? Quelles sont les plus grandes difficultés face aux quelles les apiculteurs sont confrontés ?
Il me revient encore une fois les difficultés rencontrées par nos apiculteurs pour lutter efficacement contre le Varroa, dont l’impact peut être très négatif sur les colonies d’abeilles. En Belgique, c’est l’AFSCA qui prodigue des conseils en la matière tels que l’approche uniforme sur l’ensemble du territoire ou l’application d’un traitement à temps, à savoir, avant la naissance des abeilles d’hiver.
La liste des médicaments pouvant être appliqués est également accessible. Dans cette liste, on retrouve notamment le MAQS, un médicament à base d’acide formique, qui semble poser problème chez nos voisins français. En effet, les apiculteurs se plaignent de pertes de reines, de colonies affaiblies voire de désertion des ruches. Au Canada, les plaintes sont identiques. La chambre d’agriculture d’Alsace évoque 20% de pertes sur les 707 ruches traitées.
Monsieur le Ministre, ce produit pouvant être utilisé en Belgique, avez-vous eu échos de ces difficultés ? Ce produit est-il largement répandu chez nous ? L’AFSCA cautionne-t-elle toujours l’utilisation de ce produit ?
Dans une réponse précédente, Monsieur le Ministre m’annonçait le lancement d’un deuxième Plan Fédéral Abeilles pour 2017-2019. Ce plan comprendrait 8 volets dont les objectifs sont d’aider les apiculteurs, mieux comprendre les racines du problème, mieux maitriser les risques et mobiliser tous les acteurs concernés. Quelles actions seront menées spécifiquement dans la lutte contre cet acarien ? Des méthodes de lutte efficace sont-elles à privilégier et à valoriser ?
Réponse
Dans le cadre d’un projet d’étude mené au niveau international sur la mortalité des abeilles, une enquête a été réalisée auprès de 300 apiculteurs wallons et de 300 apiculteurs flamands à propos de la mortalité des abeilles survenue pendant l’hiver dernier. En Wallonie, la mortalité moyenne s’élevait à 25%. Les chiffres provisoires pour la Flandre indiquent une mortalité d’au moins 21%. A titre de comparaison, les manuels apicoles mentionnent que la mortalité des abeilles domestiques au sein des ruches se situe le plus souvent en dessous de 10%.
A ma demande, l’AFSCA a mis en place, et ce depuis l’automne 2016, le programme de surveillance de la santé des abeilles, appelé « Healthy Bee ». L’objectif principal du programme est de déterminer la mortalité des abeilles de manière objective et pluriannuelle. De plus, les liens possibles entre la mortalité des abeilles et les causes les plus fréquemment évoquées seront examinés. Sur base de l’information obtenue, les autorités pourront continuer à définir la politique sanitaire vis-à-vis des abeilles. Chaque apiculteur fait l’objet de 3 visites durant lesquelles on examine cliniquement la mortalité hivernale et saisonnière des colonies suivies. En plus, un échantillon de pollen est prélevé dans chaque rucher en vue d’une analyse sur des résidus chimiques (pesticides, fongicides, …). Au cours du mois de mai, l’AFSCA a effectué les visites de printemps dans le cadre dudit projet et les résultats seront connus dans le courant du mois de septembre.
Les apiculteurs ont des difficultés à gérer le parasite varroa et à se procurer les médicaments destinés à la lutte contre cet acarien. Il arrive que les médicaments disponibles sur le marché belge ne soient plus efficaces en raison de la résistance croissante de l’acarien varroa à certaines molécules. Il est parfois difficile pour les apiculteurs d’obtenir d’autres médicaments disponibles dans d’autres États membres (le système de cascade permet d’obtenir des médicaments autorisés dans d’autres États membres par le biais d’un vétérinaire). Les obstacles auxquels se heurtent les apiculteurs sont soit le manque de vétérinaires spécialisés (des formations sont mises en place pour en augmenter le nombre), soit le montant des honoraires des vétérinaires, perçu comme trop élevé.
La seule utilisation de substances médicamenteuses contre le varroa est insuffisante pour obtenir l’effet souhaité. Il convient également de considérer des techniques de traitement d’un autre type, où la gestion apicole (détection du parasite, timing des soins…) a un grand rôle à jouer. Une interaction adéquate entre ces bonnes techniques de gestion et l’utilisation de médicaments sont cruciales dans la lutte contre la varroase.
L’adoption de la guidance vétérinaire « abeilles » devrait répondre à ces difficultés. Cette guidance constituera donc un nouvel outil à disposition des apiculteurs pour les aider à lutter efficacement contre la varroase. Elle devrait aussi encourager plus de vétérinaires encore à se former spécialement à l’apiculture. Pour les apiculteurs qui adhèreront à cette démarche volontaire avec les vétérinaires, un suivi et traitement adéquat personnalisé seront prodigués aux colonies d’abeilles. Il s’agit d’une approche basée sur le pragmatisme, la confiance et la collaboration entre l’apiculteur et le vétérinaire de guidance apicole. Plus le nombre d’apiculteurs qui adhèrent à la démarche est important, plus le statut sanitaire des abeilles s’améliorera globalement à l’échelle de notre pays. C’est dans ce contexte que j’ai d’ailleurs dégagé un budget de 100.000 € afin de financer l’adhésion de cette guidance vétérinaire en 2017 et 2018.
C’est l’Agence des médicaments (AFMPS) qui est compétente en matière d’autorisations de médicaments. À l’heure actuelle, 5 médicaments à usage vétérinaire sont autorisés en Belgique dans le cadre de la lutte contre la varroase chez les abeilles :
Médicament |
Substancesactives |
Apiguard 12,5 g |
Thymol 12,5 g |
Apilife Var |
Camphor 0,39 g – Menthol 0,39 g – Eucalyptus Globulus, Oil 1,72 g – Thymol 8 g |
Oxuvar 5,7 % |
Oxalic Acid Dihydrate 57,4 mg/ml – Eq. Oxalic Acid 41 mg/ml |
PolyVarYellow 275 mg |
Flumethrin 0,275 g |
Thymovar 15 g |
Thymol 15 g |
Deux de ces médicaments (Oxuvar 5,7% et Polyvar Yellow 275 mg) n’ont obtenu leur autorisation qu’en 2017. Vu que ces deux produits contiennent chacun une substance active qui n’était pas autorisée auparavant en Belgique dans le cadre de la lutte contre la varroase, l’octroi de ces autorisations a permis d’étoffer considérablement l’arsenal thérapeutique contre la varroase.
À l’heure actuelle, aucun produit à base d’acide formique n’est autorisé en Belgique. Les produits à base d’acide formique ne peuvent donc être employés que moyennant l’application de la législation relative au système de cascade. L’application du système de cascade se fait sous la responsabilité directe du vétérinaire traitant. Vu le caractère exceptionnel du système de cascade et l’existence d’alternatives autorisées, il convient de limiter l’utilisation de produits à base d’acide formique sur le territoire belge.
Plusieurs actions du plan fédéral Abeilles 2017-2019 concernent directement ou indirectement la lutte contre le varroa :
- l’adoption d’une guidance vétérinaire « abeilles » ;
- la suppression de la redevance pour l’autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires apicoles ;
- la défense au niveau européen des adaptations législatives en vue d’améliorer la disponibilité de médicaments vétérinaires apicoles ;
- le lancement et suivi de Bee Best Check, qui vise à développer un outil original de gestion globale de la santé de l’abeille à destination des apiculteurs ;
- le lancement et suivi de Varresist, ayant pour objectif l’identification des marqueurs moléculaires de la tolérance/résistance au varroa chez les abeilles mellifères au moyen d’un test de tolérance phénotypique au varroa ;
- la mise en place du programme de surveillance objectif et continu de la mortalité des abeilles par l’AFSCA, couplé au monitoring des causes les plus fréquemment évoquées de cette mortalité (présence et importance du varroa, de résidus de produits phytopharmaceutiques …) : « HealthyBee » ;
- le lancement, sous le thème « BEESYN », d’une étude d’identification de l’impact des produits chimiques sur la mortalité des abeilles domestiques en Belgique en tenant compte des interactions de ces produits avec les autres causes potentielles de mortalité (dont le varroa).