Question écrite adressée à Carlo Di Antonio, Ministre wallon de l’Environnement
En vertu de la directive-cadre de l’eau, l’eau souterraine des principaux captages de Wallonie destinés à l’embouteillage de l’eau minérale ou de source est échantillonnée au minimum tous les trois ans. En 2014, les Indicateurs de l’environnement notaient que: Les pesticides sont présents en concentration mesurable dans deux tiers des sites de contrôle de la qualité des eaux souterraines. Dans 20 % des cas, les teneurs mesurées sont telles que la qualité des eaux est qualifiée de moyenne à mauvaise.
Dans ces captages pollués, on retrouve de l’atrazine, par exemple, un herbicide appliqué sur les cultures de maïs, qui est pourtant interdit depuis septembre 2005, mais dont la matière active et son métabolite (le déséthylatrazine) sont très mobiles et persistants dans les sols et les aquifères. Malgré des mesures (je pense notamment à l’établissement des zones tampons), il semble donc que la pollution de nos eaux par les pesticides est fréquente…
Monsieur le Ministre dispose-t-il de données plus récentes et plus précises ? Certaines zones géographiques sont-elles particulièrement touchées ? Si c’est le cas, des mesures spécifiques sont-elles prises dans ces endroits précis ? En 2015, Monsieur le Ministre définissait 12 nouvelles substances prioritaires à surveiller en matière de lutte contre les produits chimiques. Quelles sont-elles ? Quelle modification législative permet ce contrôle ? Les contrôles tiennent-ils déjà compte de ces substances ? Et tiennent-ils compte de toutes les substances chimiques autorisées sur notre sol ?
En ce qui concerne l’eau de distribution publique, en 2011, 1.505 contrôles pesticides ont été effectués. Il ressortait que 7 zones de distribution connaissaient des dépassements passagers pour une substance active ou son métabolite et que 4 zones de distribution ont connu des dépassements chroniques pour une substance active ou son métabolite. Ces zones ont donc été équipées d’un traitement d’eau par charbon actif. Ces résultats positifs sont donc minimes. Monsieur le Ministre peut-il me confirmer que des tests similaires ont été réalisés récemment ? Quels sont les résultats ? Les contrôles sont-ils suffisamment réguliers ? Enfin, quel est le coût pour la collectivité de ce traitement des eaux polluées ?
Réponse du Ministre
Le programme de surveillance de la qualité des eaux souterraines, mené en vertu de la directive-cadre de l’eau, ne porte pas que sur les eaux minérales ou de source mais vise à établir l’état chimique de chacune des 33 masses d’eau souterraine désignées en Wallonie et ce, au moyen d’un réseau de sites de contrôle constitué d’environ 400 points de mesure (captages d’eau destinée à la consommation humaine, puits privés, sources et piézomètres). L’indicateur 10-3 de l’état de l’environnement wallon publié en 2014, dont fait référence l’honorable membre, se base sur les résultats de ce réseau ainsi que leur évolution. La situation est relativement stable depuis, avec une légère diminution des sites présentant une qualité moyenne ou mauvaise (18 % au lieu des 20 % que mentionne l’honorable membre). Cela s’explique principalement par la persistance de ces substances dans les eaux souterraines malgré les mesures prises, notamment pour la protection des captages.
Au niveau des substances rencontrées, les pollutions en atrazine et son métabolite déséthylatrazine s’atténuent progressivement mais d’autres substances sont au contraire en augmentation (bentazone, terbuthylazine). Les deux masses d’eau souterraine des sables du Bruxellien ainsi que celle des craies de Hesbaye sont plus spécifiquement touchées. Aucune mesure spécifique n’a, jusqu’à présent, été prise pour ces trois masses d’eau. C’est une des raisons pour lesquelles j’entends restructurer les organismes d’encadrement existants en matière d’interface « Eau – agriculture » et étendre les actions de protection des captages avec le développement des contrats de captages et contrats de nappes. Tel est un des objectifs décrits dans la note d’orientation relative à l’Eau qui a été approuvée par le Gouvernement le 13 mai 2015.
En ce qui concerne l’eau de distribution publique, environ 2.000 prélèvements pour contrôle des pesticides sont réalisés chaque année dans les quelque 800 zones de distribution de Wallonie et cela représente plus du double de la fréquence exigée par la directive européenne 98/83/CE. Depuis les chiffres communiqués de 2011, les dépassements de la norme pour les pesticides individuels sont devenus de plus en plus rares, et même nuls en 2015 (voir tableau). Quant aux coûts (amortissement compris) des traitements d’eau qui ont dû être installés pour éliminer les pesticides présents localement, ceux-ci sont faibles. Ils représentent un impact évalué à 0,7 cent par m3 sur le coût-vérité de distribution (soit 0,25 % du CVD).
Enfin, les 12 substances prioritaires ajoutées en annexes I et Xbis du Code de l’eau par l’AGW du Gouvernement wallon du 22 octobre 2015 correspondent à la transposition d’une révision de la directive européenne 2008/115/CE relative aux normes de qualité environnementales (NQE) par la directive 2013/39/UE. Ces nouvelles substances doivent donc être surveillées depuis peu dans nos eaux de surface ordinaires, tâche qui a été confiée à l’Institut scientifique de Service public (ISSeP) dans le cadre de ses missions permanentes. Parmi ces 12 nouvelles substances à contrôler, 9 sont des pesticides dont le statut réglementaire est le suivant pour le marché belge :
* Interdits : Dicofol, Heptachlore, Cybutryne, Dichlorvos
* Autorisés : Quinoxyfène (fongicide sur céréales et petits fruits), Aclonifène (herbicide sur pommes de terre et légumes), Bifénox (herbicide sur céréales), Cyperméthrine (insecticide)
* En cours d’évaluation : Terbutryne (biocide, jamais détectée)
Les 3 autres sont des substances d’origine industrielle ou d’usage domestique : acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), Dioxines et Hexabromocyclodécanes.
Ces substances prioritaires sont définies à l’échelle européenne comme des polluants particulièrement nocifs pour la vie aquatique et il s’impose de les contrôler régulièrement en vue de les limiter drastiquement, voire de les bannir de nos eaux. Toutes ces substances chimiques ne sont pas autorisées sur notre sol, ce qui en réduit l’impact potentiel, tant écologique que financier.