Question à Madame Isabelle Simonis, ministre de l’Egalité des chances
Depuis 2012, une action de sensibilisation liée aux stéréotypes dans les métiers est proposée dans diverses écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tous réseaux confondus. Le « Girls day and boys day » permet aux enfants du 1er et 2ième degré secondaire de rencontrer des femmes et des hommes exerçant des métiers majoritairement occupés par un genre. Ce projet se déroule en deux temps : des animations en classe sont prévues tout au long de l’année et des rencontres entre des professionnels et les élèves sont organisées. Cette année, celles-ci sont programmées du 30 mars au 3 avril 2015.
L’objectif est de démonter les stéréotypes de genre afin que les enfants choisissent leur orientation en fonction de leur intérêt personnel et de leurs compétences. Nous savons tous combien cette question est importante : pour bien exercer son métier, il faut d’abord l’aimer.
Madame la Ministre, aujourd’hui encore plus qu’hier, nous sommes conscients que certaines options ou orientations sont excessivement genrées… Si l’on retrouve beaucoup de garçons dans les filières liées à la mécanique, à la construction,… beaucoup de jeunes filles se tournent vers des métiers dits « féminins » dans le secteur non-marchand, l’éducation ou la petite enfance.
Pour l’année 2012-2013, l’ONEM dressait une liste de métiers considérés en pénurie[1]. Malheureusement, nous ne pouvons que constater, encore une fois, un désintérêt de la part des filles pour ces métiers. Citons par exemple :
– les métiers liés à l’informatique, 16% de filles
– les métiers liés à l’électronique, 2% de filles
A l’inverse, certains domaines semblent « réservés » aux filles puisque dans :
– l’enseignement fondamental, il n’y a plus que 16% d’instituteurs
– le domaine de la petite enfance, où l’on ne retrouve que 2% de garçons
De plus, chaque année, le Forem dresse une liste des métiers d’avenir. De nouveau, ceux-ci sont majoritairement occupés par des hommes.
Madame la Minsitre, afin de pouvoir mesurer l’ampleur du phénomène, des études récentes mettant en corrélation le genre et les options choisies existent-elles dans le secondaire ? Comment entendez-vous lutter contre ce phénomène ? Quels outils de déconstruction des stéréotypes souhaitez-vous mobiliser ?
Enfin, concernant ce projet très intéressant « Girls day and boys day », quelles sont les évaluations relatives à celui-ci ? Quel est le retour des participants ? Combien d’enseignants y participent chaque année ? Comment pouvons-nous augmenter la participation des enseignants et des élèves de manière conséquente ?
Réponse de la ministre
L’Assemblée pour les droits des femmes, « Alter Egales », qui s’est réunie pour la première fois le 5 décembre dernier, a choisi la thématique du droit à l’égalité au travail comme priorité pour 2015.
Ma note d’orientation politique « Egalité hommes-femmes 2014-2019 », adoptée le 19 novembre dernier par le Gouvernement, comporte 34 mesures en faveur de l’égalité hommes-femmes dans l’ensemble des compétences du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Parmi ces mesures, certaines traitent de la ségrégation de genre dans le choix des études et dans l’exercice de certaines professions. Pour y remédier, il faut sensibiliser les jeunes aux stéréotypes de genre associés aux filières d’études ou aux métiers, promouvoir des études et des carrières scientifiques auprès des étudiantes ou encore sensibiliser des enseignants aux questions de genre dans le cadre de leur formation sont quelques exemples de projets concrets à entreprendre dans le cadre de ce chantier.
En effet, en la matière, les chiffres interpellent :
- Les 10 métiers les plus mal payés en Belgique sont majoritairement des métiers dits « féminins » : coiffeuse, esthéticienne, aides de ménage, caissières, vendeuses, métiers de l’habillement.
- Parmi les 10 métiers les mieux payés, on retrouve des métiers traditionnellement exercés par les hommes : directeur de société, cadre dans la vente, mathématicien, ingénieur, physicien, gérant de commerce.
- 2% de femmes travaillent dans l’électronique et 2% des garçons sont puériculteurs
- Moins de 1% des filles conduisent des véhicules de chantiers
- 11% des garçons sont infirmiers
- 10% de filles ingénieures
- En 2010, l’écart salarial entre les femmes et les hommes était toujours de 25%.
Afin d’expliquer les choix d’option stéréotypés des filles, alors que statistiquement, elles réussissent mieux à l’école que les garçons, la Direction de l’Egalité des Chances a financé sept projets en 2008. Parmi ces études, deux sont des recherches–actions, cinq sont qualitatives, dont trois intègrent une approche quantitative.
Plusieurs constats ont pu être faits suite à ces recherches. Ils sont synthétisés dans la revue trimestrielle Faits et Gestes n°33 « Filles-garçons, égaux dans l’enseignement? ». Suite à ces études préparatoires et aux recommandations, différents projets ont pu voir le jour.
Pour favoriser l’égalité entre filles et garçons dans les pratiques pédagogiques, mon département, en 2009, en collaboration avec l’Enseignement à Distance, a mis en ligne la première version du module de formation initiale et continuée des enseignant-e-s à l’égalité des filles et des garçons dans le système éducatif. Il s’agit du Module « filles-garçons, une même école ». Je vous invite à découvrir cet outil pédagogique très didactique qui est accessible sur le site de l’administration de l’égalité des chances. Je ne manquerai pas prochainement de prévoir une évaluation de celui-ci et de proposer une promotion de l’outil pour les années à venir.
Par ailleurs, afin de sensibiliser les jeunes à l’importance du choix de leur orientation, nous soutenons le projet « Girls day, Boys day » qui est organisé pour la troisième année consécutive dans les 5 provinces francophones et pour la deuxième année à Bruxelles. Ce projet vise à sensibiliser les élèves et les enseignant-e-s aux stéréotypes dans les choix d’orientation scolaire et professionnelle. Dans ce cadre, des animations dans les classes ainsi que des rencontres avec des professionnel-le-s exerçant un métier atypique sont proposées aux élèves. Ce projet est organisé en collaboration avec les coordinations provinciales égalité des chances.
Par ailleurs, j’ai pu participer dernièrement à la visite du site d’ARCEO, entreprise spécialisée dans la sidérurgie de pointe, qui a permis aux jeunes d’une école liégeoise de rencontrer et d’échanger avec une opératrice de production, seule femme dans un monde traditionnellement masculin. J’ai pu observer l’intérêt que ce type de projet suscite auprès des jeunes.
En ce qui concerne l’évaluation de ce projet, je vous livre les résultats dégagés. En 2013, plus de 50 classes ont participé au projet Girls Day, Boys Day, soit 737 élèves dans les quatre provinces participantes.
L’évaluation réalisée auprès des parents, des élèves, des enseignant-e-s et des partenaires du projet met en évidence une perception très positive du projet.
Un tiers des élèves interrogés n’était pas familier aux thèmes abordés pendant les animations, les stéréotypes, le sexisme, d’où l’intérêt de ce type d’animation. De plus, avant de participer au projet Girls day, Boys day, 250 élèves sur les 429 ayant participé à l’évaluation ne connaissaient pas de professionnel-le-s exerçant un métier atypique pour son sexe. Au terme du projet, 82% des participant-e-s pensent qu’il n’y a pas des secteurs réservés aux femmes ou aux hommes.
Pour 24% des parents interrogés, il s’agissait d’une belle rencontre avec les entreprises. Pour 62%, c’est un projet qui permet de réduire les préjugés sur les métiers. De plus, ils sont 67% à affirmer que ce projet leur a fait découvrir des métiers atypiques et 62% que ce projet leur a permis de discuter avec leur enfant des stéréotypes et préjugés dans les choix d’orientation scolaire et professionnelle.
De manière générale, à plus de 80%, les enseignant-e-s interrogé-e-s ont trouvé le projet bien organisé et adapté au public cible. Ils ont dans l’ensemble trouvé les élèves enthousiastes quant au projet et pensent que l’expérience devrait être renouvelée. Ils sont par ailleurs nombreux à dire qu’ils vont faire la promotion du projet autour d’eux.
Pour conclure, je suis convaincue du bien-fondé de ce type d’expérience pour l’ensemble des acteurs de l’école, les enseignants, les élèves mais aussi les entreprises et les professionnels de l’orientation.
Réplique de Christie Morreale
En la matière, il y a encore des freins à franchir. Il faut changer les mentalités. C’est notamment le rôle des parents, qu’il faut encourager à ne pas se limiter à offrir aux enfants, aux occasions, des jeux pour materner et faire le ménage pour les filles ou pour bricoler pour les garçons. Cela passe aussi par une sensibilisation via les CPMS (Centres Psycho Médico Sociaux) qui orientent les étudiants durant leur cursus.
Par ailleurs, la question des stéréotypes pourrait être un sujet sur lequel travailler durant la conférence internationale Pekin + 20
[1] http://onem.be/D_Documentation/Publications/Brochures/_Folders/Penurie/FolderFR.pdf