L’accès au logement social pour les femmes victimes de violences conjugales
Région wallonne
Question orale de Mme Morreale à M. Furlan, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l’Énergie, sur « les possibilités locatives pour les femmes victimes de violences conjugales »
Monsieur le Ministre, les difficultés qui se présentent aux victimes de violences conjugales qui quittent les refuges et souhaitent s’installer dans un nouveau domicile – élément nécessaire à leur réinsertion sociale – sont nombreuses.
On a démontré par plusieurs études et depuis longtemps que la violence conjugale ne concerne pas un niveau socioéconomique, mais au contraire, touche l’ensemble de la population. Néanmoins, la question que je pose aujourd’hui concerne principalement les personnes victimes de violence conjugale qui sont dans des situations de précarité.
Ce préambule évoqué, je voudrais exprimer que ces femmes – puisque c’est principalement des femmes qui en sont victimes – qui sont les plus précarisées, connaissent des situations particulièrement délicates. Très peu d’entre elles ont un emploi. La plupart perçoivent des allocations de chômage, de la mutuelle ou reçoivent l’aide du CPAS. Parfois, elles ne disposent même d’aucun revenu. Certaines sont seules, mais la majorité d’entre elles – 65 % – ont plusieurs enfants. Souvent insécurisées du fait de la précarité de leur situation, elles sont également assez jeunes. En 2012, au refuge de Liège, 53 femmes sur 69 avaient moins de 40 ans, c’est-à-dire un peu plus de trois quarts de cette population, tandis que 17 avaient de 40 à 65 ans.
Conscient des difficultés auxquelles les femmes victimes de violences conjugales sont confrontées, l’arrêté du Gouvernement wallon du 6 septembre 2007 a introduit une disposition plus favorable aux victimes de violences conjugales en attribuant cinq points de priorité aux personnes qui « quittent un logement à cause de violences conjugales ». Le passage en maison d’accueil leur donne accès au statut supplémentaire et leur permet ainsi d’obtenir cinq points supplémentaires. Pour être valide, la demande doit être accompagnée d’un document justificatif délivré par le CPAS.
Pourtant, en 2010, le Plan d’action national contre les violences entre partenaires dressait des constats graves : la période d’attente pour bénéficier de ce type de logement est souvent très longue. Une recommandation était alors énoncée : développer l’accès à des logements sécurisés et plus flexibles au sein des logements sociaux, mais aussi en encourageant la modélisation de formules alternatives telles que les conventions entre pouvoirs locaux et dispositifs d’hébergements privés.
Votre cabinet est-il associé à l’élaboration du Plan de lutte contre les violences à l’égard des femmes, puisqu’il y en a un qui doit s’opérer au niveau de la Région et s’articuler dans le cadre du plan d’action national ?
Je souhaite également faire le point avec vous sur les progrès qui ont déjà été faits. Existe-t-il une évaluation du dispositif promu ? Sait-on combien de victimes de violences introduisent une demande pour bénéficier d’un logement social ? Combien d’entre elles en obtiennent un ? Quel est le délai d’attente ?
Enfin, quelles sont, sur le terrain, les difficultés épinglées ? Qu’en est-il de la solution évoquée ci-dessus, à savoir, la signature de conventions entre les pouvoirs locaux et les propriétaires privés ?
Réponse du Ministre :
Madame la Députée, je me demandais si ma note du 11 juin au Gouvernement wallon avait circulé, car voilà trois questions, trois thèmes qui sont développés dans la réforme que je déposerai sur la table du Gouvernement wallon. Nous avons vu les catégories de logement, les seniors, la violence. Je pense qu’après vont venir les kots et une question sur le financement. Je me dis que la note a dû circuler, mais c’est que nous sommes en phase.
Comme vous le soulignez, la dernière révision des conditions d’attribution des logements sociaux gérés par les sociétés de logement de service public a encore renforcé la priorité accordée aux personnes confrontées à des situations de violences intrafamiliales.
Les cinq points sont accordés à ces candidates et ils peuvent en effet s’ajouter aux cinq points attribués aux candidats sans abri. Cela va souvent de pair, car il s’agit, malheureusement, de personnes qui ont dû se sauver. C’est bien la problématique. Un total de 10 points en fait donc, de loin, la situation la plus priorisée dans le système d’attribution actuel de reconnaissance.
Au regard des éléments statistiques, on recense aujourd’hui 107 candidatures faisant valoir la priorité accordée aux victimes de violences intrafamiliales. Plus de 90 % des ménages considérés appartenaient à la catégorie « ménages à revenus précaires » et les deux tiers avaient des charges d’enfants.
La plupart des dossiers en attente sont relativement récents. Ainsi, sur les 107 dossiers candidats : 57 datent de moins d’un an, 36 datent d’un an, neuf de deux ans.
Le plus ancien a cinq ans, mais cinq ans dans ces conditions, je peux comprendre que cela peut être considéré comme une éternité.
Rappelons que l’article 132 du Code wallon du logement et de l’habitat durable permet aux communes, aux CPAS ou aux associations qui le souhaiteraient, de prendre en location un ou plusieurs logements sociaux, afin de les sous-louer à des ménages en difficulté. C’est une piste que je privilégierai, car autant je crois que les sociétés de logement de service public doivent gérer – à l’inverse de ce que j’ai dit tout à l’heure – la brique, autant je crois qu’il y a des acteurs sociaux dont c’est le métier de gérer les gens. Il faut plus faire confiance à des acteurs qu’aux sociétés de logement de service public. Ce n’est pas qu’elles ne sont pas compétentes, mais ce n’est pas leur priorité, leur core business. Dans la réforme, j’aborderai, sous cet angle, un certain nombre de problématiques sociales qui se posent aujourd’hui dont celle-là est une des plus importantes, mais il y en a d’autres.
Ce mécanisme que j’entends améliorer permet déjà à certaines associations œuvrant dans le domaine de la lutte contre les violences intrafamiliales de disposer de logements et d’exercer leur mission.
Une évaluation plus détaillée de l’ensemble des priorités sera bien évidemment menée. Les SLSP – et c’est la philosophie de la réforme – se verront offrir la possibilité d’édicter des règlements spécifiques locaux. Comme je l’ai déjà dit, on ne règle pas les problèmes sociaux à Liège, comme on les règle à Virton. Ils sont de nature fort différente et il faut pouvoir adapter les règles en fonction de la situation socioéconomique, de l’endroit où on le gère et, aujourd’hui, le système est partout uniforme entre les différentes Régions du pays.
Il va de soi que j’aurai une attention particulière à la question des femmes et des hommes – généralement des femmes, on en conviendra – victimes de violence conjugale dans le cadre de cette approche.
Réplique de Christie Morreale :
Je suis ravie de voir que l’on y travaille et que la note – je l’ignorais – arrivera le 11 juin. J’imagine que l’on aura l’occasion de regarder en détail les mesures. Je partage votre avis sur le fait qu’il y a une rigidité – on l’a dit et redit au cours de ces derniers mois et ces dernières années – dans l’attribution des logements sociaux parfois, parce que l’on est allé, je pense, assez loin dans un aspect technique et de points, en oubliant parfois des réalités sociales.
Prenons le cas de ces victimes de violence conjugale qui se retrouvent dans des centres d’hébergement qui relèvent de la Région wallonne et qui sont suroccupés parce qu’elles resteraient trop longtemps avant d’obtenir un logement social. Ce sont des situations qui mériteraient d’avoir des réponses avec une certaine souplesse. Je me réjouis que l’on aille vers cette voie-là.