Il faut investir dans la recherche d’alternatives aux pesticides, c’est primordial
Question orale à Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
Les néonicotinoïdes sont incriminés dans la mortalité des abeilles et des insectes pollinisateurs notamment dans l’agriculture, l’horticulture ornementale, l’arboriculture, ou encore, la sylviculture. Ils sont également pointés du doigt pour leurs effets néfastes sur la santé humaine.
A l’occasion de la proposition de résolution que je porte depuis juillet 2015, nous avons eu l’occasion de recevoir des représentants de plusieurs secteurs pour qu’ils nous exposent la situation de chaque culture. Au cours de ces discussions, j’avais eu l’occasion de rappeler la position que mon groupe défend : interdiction des néonicotinoïdes sauf dans les secteurs où les alternatives n’existent pas. Nous avons ainsi eu l’occasion, pour chaque secteur, de dresser une sorte de tableau des alternatives.
Les secteurs où les alternatives sont défaillantes sont le secteur de la betterave, de la chicorée et aussi en arboriculture, où la molécule de thiaclopride est particulièrement utilisée. Or, compte-tenu des différents avis scientifiques récents, cette molécule est soupçonnée d’être cancérigène[1], reprotoxique de catégorie 2, « comme ayant des effets perturbateurs endocriniens »[2] et ayant des effets cytotoxiques[3]. Il est donc plus qu’urgent d’investir de manière importante dans la recherche d’alternative, dans la recherche variétale et dans le développement d’outil technique permettant d’encore améliorer l’expertise des producteurs. Dès lors, pouvez-vous m’indiquer le budget actuellement consacré aux recherches d’alternatives à ces produits ? Le CRAW bénéficie d’un budget à hauteur de 35 millions d’euros, avec une participation wallonne. Quelle partie de ce budget est consacré à cette recherche d’alternative ?
Enfin, l’accompagnement technique, par des experts indépendants des firmes phytopharmacteutiques, est également un enjeu majeur. Quel est votre avis sur cette question ?
Réponse :
M. Collin, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région.
En recherche agronomique, il est extrêmement difficile de donner un chiffre précis concernant les montants spécifiquement dédiés à la recherche de produits alternatifs à l’usage des néonicotinoïdes.
La solution ne consiste pas simplement en un remplacement d’un produit par un autre. Il s’agit plutôt d’explorer des pistes multiples telles que la sélection de variétés plus résistantes, l’usage d’autres techniques d’enrobage et de préparation des semences, des itinéraires techniques culturaux différents, ainsi que de nouvelles méthodes d’avertissement précoce. C’est la combinaison de ces différentes améliorations qui permettront de dégager une ou des alternatives. Dans tous les cas, ce qui doit être clair, c’est qu’il n’existe pas d’alternative miracle, que la réponse est complexe et prendra un certain temps.
Je précise également que le budget de 35 millions du CRA-W est alimenté à parts égales par la dotation du Gouvernement wallon, d’une part, et par les recettes issues des contrats de service et des conventions de recherche, d’autre part. Concernant ces recettes hors dotation, le CRA-W doit répondre aux objectifs du bailleur de fonds.
Le CRA-W conduit actuellement 20 projets afin d’améliorer les interactions entre l’agriculture et l’environnement, La DGARNE en a dénombré 54. Comme déjà indiqué, ces diverses recherches contribuent indirectement à réduire l’usage des néonicotinoïdes et autres PPP.
L’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (IRBAB) est également fortement impliqué dans cette problématique qui le concerne directement.
Enfin, pour répondre à une dernière remarque, l’absolue nécessité d’un encadrement et d’un accompagnement techniques, neutres, et libres de toute influence du lobby phytopharmaceutique, est une des mesures phares du second Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP). Elle vise à renforcer le réseau existant de conseillers indépendants et à privilégier une stricte neutralité dans la dispense de conseils.
À cet égard, une des conditions liées à l’agrément des centres de formation pour la phytolicence est justement que ceux-ci soient indépendants par rapport au lobby phytopharmaceutique.
Mme Morreale (PS).
Sur le financement des recherches agronomiques, effectivement, les 35 millions d’euros sont alimentés à parts égales, je l’entends. À l’occasion des auditions que nous avons eues sur l’interdiction des néonicotinoïdes, il a été demandé d’orienter le plan triennal de recherche agronomique vers la recherche de méthodes alternatives sérieuses, efficaces et durables. L’objectif de diminution de l’utilisation des produits phytos nécessite un investissement durable pendant plusieurs années. Cette recherche doit également être structurée. Or, et c’est ce qui est ressorti de nos auditions, à ce stade, les recherches sont principalement tournées vers l’agriculture conventionnelle, raison pour laquelle nous réclamons que la tendance soit inversée.
C’est vrai que, si cela fait deux ans que nous demandons l’interdiction des néonicotinoïdes, nous demandons aussi que l’on travaille sur des alternatives. Je serai intéressée de voir l’évolution au cours des deux dernières années, et peut-être avec un peu plus de recul au cours des quatre dernières années, du budget spécifique sur les alternatives. On a entendu des chiffres : 80 % des insectes volants ont disparu en Europe, c’est une hécatombe. On sait à quel point ces produits – la cause n’est pas unique, on le sait – ont un impact négatif sur les insectes volants, les insectes pollinisateurs. Il y a urgence simplement pour notre société en général, pas uniquement pour les abeilles, pas uniquement pour les insectes pollinisateurs, mais pour nous tous si nous voulons continuer à manger des fruits et des légumes, quant à la suppression ces produits.
Je trouve qu’il est de salubrité publique et qu’il est d’une extrême nécessité de mettre des moyens de manière massive dans des recherches alternatives pour ne pas que l’on se retrouve à chaque fois dans une situation de défense, qui est celle de dire : « On n’avance pas tant que l’on n’a pas d’alternative », si, parallèlement, on ne développe pas des moyens massifs pour des alternatives.