Pilule en centre de planning : il faut une concertation avec les acteurs de terrain pour une solution!
Question écrite destinée à Madame la Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative
Nous connaissons tous les difficultés liés à la distribution et à la délivrance de la pilule contraceptive et la pilule du lendemain dans les centres de planning familial. En effet, cette distribution se trouverait en contradiction avec le prescrit de l’arrêté royal n°78 de 1967 qui prévoit que les médicaments ne peuvent être délivrés que par des médecins ou des pharmaciens. En distribuant des pilules contraceptives par du personnel psycho-social, les centres seraient donc en contradiction avec cet arrêté et ce, depuis plus de 30 ans.
Cet écueil avait été relevé par l’administration wallonne en 2015. Dès lors et devant la montée de bouclier de la société civile et de différents parlementaires, des réunions de concertation avaient été organisées par le cabinet de votre prédécesseur et réunissait les différentes fédérations. Une procédure avait alors été proposée : la délivrance de pilules contraceptives et du lendemain devait faire suite à une consultation médicale. Un bon serait alors remis à la patiente pour lui assurer la gratuité de la pilule, pour autant qu’elle soit âgée de moins de 21 ans.
Plusieurs fédérations s’étaient opposées à cette solution, arguant que les médecins étaient trop peu présents dans les centres, mais surtout, qu’une jeune fille en situation de détresse ne se rendrait pas dans une pharmacie pour obtenir cette pilule. Cette solution représentait donc, aux yeux de beaucoup, une entrave à la contraception. D’autres avaient décidé de l’appliquer. Aujourd’hui, il me revient que les centres qui délivrent ce bon sont de plus en plus rares, devant les difficultés pratiques de ce système.
Madame la Ministre, si cette solution ne semble convenir à l’ensemble des acteurs concernés, des réunions ont-elles encore lieu entre les fédérations de planning, l’association belge des pharmaciens et vos représentants ? Il est nécessaire de trouver une solution viable et acceptable pour tout le monde, en gardant à l’esprit l’intérêt premier des patientes. Des solutions sont-elles évoquées ?
Réponse
Il faut d’abord rappeler que la délivrance de pilule contraceptive ou d’urgence par les centres de planning n’est pas remise en cause ! Ce qui est remis en cause c’est la distribution de ces pilules sans médecin ni pharmacien.
La difficulté à laquelle sont confrontés les Centres de Planning Familial, de s’attacher la collaboration d’un médecin, et qu’il soit présent plusieurs fois par semaine au centre reste toujours présente.
Différentes options sont étudiées pour garantir la plus grande accessibilité géographique et financière à la contraception d’urgence et classique. Mon cabinet est en contact avec les fédérations des centres de planning. Des réunions de concertation sont prévues.
Nous sommes aussi en contact avec la Ministre Maggie DE BLOCK. Le cabinet wallon avait d’ailleurs organisé une rencontre avec le cabinet fédéral en mars dernier pour discuter du refus de la Ministre fédérale de faire passer deux propositions de loi.
L’une de ces propositions vise à créer pour les plannings une exception à l’arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé qui précise que nul ne peut exercer l’art pharmaceutique s’il n’est porteur du diplôme légal de pharmacien. (Proposition d’Ecolo-Groen (DOC 54 1456/001). L’autre porte sur la possibilité de délivrer une pilule contraceptive d’urgence sans prescription par les centres de planning familial (DOC 54 1759/001).
À l’issue des concertations, des possibilités concernant l’accès à la contraception via les plannings existent. Pour la délivrance de la pilule par exemple, à l’occasion d’une première contraception ou après une IVG, le médecin du centre procède préalablement à une anamnèse et prescrit à la patiente le traitement qui lui sera donné en pharmacie. Le médecin peut donner une plaquette de pilules contraceptives dans les limites de la réglementation sur les échantillons. Il faut noter que la pilule n’est plus le moyen de contraception le plus prôné par les spécialistes actuellement. Les dispositifs intra-utérins (« Stérilet ») par exemple sont bien souvent plus indiqués que les pilules, car moins chers sur quelques années et plus fiable.
En ce qui concerne la prise en charge du ticket modérateur, un « bon » émanant du centre sera rédigé afin que le pharmacien puisse délivrer gratuitement la pilule et que l’office de tarification concerné puisse adresser une facture au centre de planning.
En l’absence de médecin, la patiente sera adressée auprès de l’officine de son choix, de préférence l’habituelle, qui a connaissance du produit à prescrire, jusqu’à ce que le dossier pharmaceutique partagé soit utilisé par tous les pharmaciens ; ce qui augmentera encore l’accessibilité au produit.
Si le centre connait déjà la patiente (dossier médical,) un bon pourra lui être remis.
Cette procédure permet :
- de respecter la sécurité d’une prescription médicale a priori et de règles conformes à la législation en matière de santé (respect des rôles de chaque intervenant) ;
- l’accessibilité au médicament (rôle de garde – 1.800 officines en Wallonie) ;
- de garantir la traçabilité de la prescription et du produit (à terme dossier pharmaceutique partagé) ;
- de gérer des stocks dans les conditions définies par l’Agence du médicament, conformément aux règles de sécurité.
En ce qui concerne la pilule du lendemain, la procédure décrite plus haut sera appliquée, notamment l’anamnèse préalable, la prescription et la délivrance d’un « bon ».
Le médecin du centre pourra, s’il en dispose, donner la pilule du lendemain, dans les limites de la réglementation sur les échantillons.
En cas d’absence du médecin, la patiente sera orientée auprès d’une officine de son choix.
Afin de concrétiser ces propositions, une réunion avec les Fédérations des Centres de planning familial sera organisée et envisagera un partenariat avec les unions des pharmaciens.
Au-delà de la distribution des pilules contraceptives, il faut souligner le rôle important des plannings dans la mise à disposition d’informations, par exemple sur le web. Cela permet de répondre, 24 heures sur 24, et parfois de façon anonyme, aux questions et inquiétudes des femmes concernant leur contraception, leur pilule et leur permettre de poser les questions en contact en ligne. Le site « Love Attitude » développé par les fédérations de centres de planning est un très bel outil et très efficace.
Certains centres ont développé des outils permettant d’avancer face à l’impossibilité de prescrire des contraceptifs en l’absence de médecin sur place. À titre d’exemple, lorsqu’une bénéficiaire demande une pilule du lendemain un questionnaire médical lui est systématiquement posé. Ce questionnaire aborde la contraception et les contre-indications de la délivrance de la pilule du lendemain, les informations de la délivrance d’une pilule du lendemain et sur les recommandations qui auraient été faites.
Des solutions sont donc possibles et les différentes pistes sont abordées par les professionnels de la santé, dans les centres compétents et par les différents partenaires de terrain. La pratique est en constante voie d’amélioration, notamment avec la réflexion générale en cours pour l’élaboration avec les partenaires de l’opérationnalisation du Plan wallon de prévention et de promotion de la santé.
Enfin, ne perdons pas de vue que la contraception, d’urgence ou classique, est un médicament et un acte médical. S’il n’est pas accompagné, de manière correcte, avec la connaissance suffisante pour pouvoir être délivrée, il y a un risque de santé. Ce risque de santé n’est pas prévalent par rapport à la situation d’urgence, mais il ne suffit pas simplement d’autoriser, en l’absence de personnes habilitées, la délivrance. Le sujet est compliqué, la situation de manque de médecins est à prendre en compte et il faut avoir aussi la garantie de ne pas mettre en difficulté, pour des raisons de santé, les personnes concernées.