Craintes pour l’économie sociale wallonne
L’économie sociale est une alternative à l’économie classique. Cette autre forme d’économie n’est pas exclusivement basée sur une logique de profit mais repose sur quelques principes essentiels parmi lesquels figurent : la primauté des personnes et du travail sur le capital, la finalité de service aux membres et à la collectivité plutôt que le profit, un processus de décision démocratique, … Ces particularités permettent donc d’offrir des perspectives d’emploi à des travailleurs qui éprouvent généralement des difficultés à trouver un emploi. C’est donc un secteur que je défends depuis des années. Pourtant, les acteurs de l’économie sociale sont inquiets des mesures que pourraient prendre le nouveau gouvernement MR/CDH.
Question orale destinée à Monsieur le Ministre de l’Economie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation
Le vaste paysage de l’économie sociale, au sens du décret du 20 novembre 2008 se définit par l’ensemble des activités économiques productrices de biens ou de services, exercées par des sociétés, principalement coopératives et/ou à finalité sociale, des associations, des mutuelles ou des fondations, dont l’éthique se traduit par des principes tel que la finalité de service à la collectivité ou aux membres, plutôt que finalité de profit, l’autonomie de gestion, le processus de décision démocratique et la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus.
Parmi ces outils, on retrouve évidemment les entreprises d’insertion, agréées par la région Wallonne, et qui permettent de réinsérer des chômeurs de longue durée dans une activité productrice de biens et de services. En décembre 2016, on dénombrait 99 entreprises d’insertion. Disposez-vous de nouveaux chiffres ?
Ces entreprises, qui sont régies par une législation propre, sont créatrices de près de 5000 emplois dans divers secteurs d’activités. Actuellement, plus de 80% des emplois générés se situent en titre-service, les 20% restant se distribuent entre les services aux entreprises et particuliers, le tri et recyclage, le secteur de la construction et du bâtiment et les secteurs divers.
Suite à la modification de la majorité wallonne, le secteur de l’insertion est très inquiet quant à son développement futur. En effet, plusieurs EFT craignent des modifications des conditions d’agrément, déterminées par le décret du 19 novembre 2012. Elles craignent également que les subsides soient conditionnés à des objectifs de remise à l’emploi, ou d’autres objectifs, ne répondant pas à la philosophie de ces entreprises.
Monsieur le Ministre, aujourd’hui, pouvez-vous rassurer ces entreprises, créatrices d’emploi, qui jouent un rôle social essentiel ? Un moratoire, relatif à la reconnaissance de nouvelles entreprises, est-il envisagé ? Qu’en est-il des subventions ? Envisagez-vous de modifier les critères de subventionnement ?
De plus, qu’en est-il des CISP, qui ne relèvent pas des mêmes modes de financement et d’agrément ? En effet, le secteur se montre également très inquiet.
M. Jeholet, Ministre de l’Économie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation. – Madame la Députée, les entreprises d’insertion représentent un secteur important en matière d’insertion socioprofessionnelle.
La Wallonie compte plus ou moins 108 entreprises agréées aujourd’hui.
Vous l’avez dit, le secteur a été récemment réformé au travers du décret du mois d’octobre 2016 qui a pris effet au 1er juillet 2017. Les principes qui ont régi la réforme ont été les suivants :
1° une simplification administrative ;
2° une dématérialisation ;
3° une subvention annuelle ;
4° un public cible élargi à la tranche d’âge 18-24 ans.
Je vous confirme qu’à court terme, je n’envisage pas d’initier une nouvelle réforme en profondeur pour les entreprises d’insertion.
Quant aux Centres d’insertion socioprofessionnelle, les CISP, la dernière réforme n’est pleinement entrée en vigueur qu’au 1er janvier 2017. Un des acquis de la réforme est le passage à un subventionnement unique.
Les Centres d’insertion socioprofessionnelle ont pour cible les publics plus éloignés de l’emploi dans le cadre de parcours plus longs d’insertion socioprofessionnelle et je mesure, évidemment, le travail qui est fait, mais je dois bien vous avouer que je souhaite évaluer l’impact des modifications normatives assez récentes avant de prendre une décision par rapport à une éventuelle adaptation, orientation ou autres, que ce soit par rapport aux agréments, que ce soit par rapport aux subventions.
Je souhaite mener une réflexion avec les différents partenaires, notamment sur les personnes les plus éloignées du marché du travail. C’est une vraie réflexion que j’ai d’ailleurs initiée lors d’une réunion à laquelle j’ai assisté au Comité de gestion du FOREm parce qu’on a beaucoup d’opérateurs. Vous parlez de certains opérateurs. On pourrait ajouter le FOREm lui-même, on pourrait ajouter les MIRE, on pourrait également ajouter des opérateurs de proximité comme les Maisons de l’emploi, comme les ALE.
Là, il a vraiment une réflexion que l’on doit avoir et de se dire qui est en charge de ce public. Lorsque je dis que c’est très éloigné du monde du travail, c’est parfois très très éloigné du monde du travail. Cette vraie réflexion a été initiée avec les partenaires sociaux, à travers le contrat de gestion du FOREm. La question se pose, pour le FOREm, concernant le dispositif de formation traditionnel, vous avez des personnes qui sont tellement éloignées qu’elles suivent une, deux ou trois formations, ce n’est pas cela qui va les ramener sur le marché du travail.
Il y a un accompagnement en amont plus adapté pour ces personnes-là. Que les choses soient claires. Je vais reprendre une expression qu’on utilise parfois à cor et à cri : le but est de ne laisser personne sur le bord du chemin, mais d’avoir un accompagnement adapté.
Je reste donc bien attentif à toutes les améliorations des différentes actions, des différents partenariats et synergies que l’on pourra mener, mais je suis persuadé que vous aurez l’occasion de me réinterroger, notamment par rapport à la note d’orientation que l’on viendra défendre d’ici quelques semaines sur ce point, qui, je vous l’accord, est essentiel.
M. le Président. – La parole est à Mme Morreale.
Mme Morreale (PS). – J’allais dire que vous n’avez pas fixé de délai, mais lorsque j’entends votre dernière phrase, j’imagine que cela voulait dire que la réforme que vous envisagez – pas celle qui est en profondeur, mais la réforme ou votre note d’orientation – concerne quand même un certain nombre de modifications sur base de ce que vous allez évaluer et ce que vous avez demandé comme temps pour pouvoir procéder à une évaluation.
Du coup, vous n’avez par contre pas répondu sur le moratoire relatif à la reconnaissance de nouvelles entreprises ni sur les subventions, mais j’y reviendrai dans les prochaines semaines lorsque vous viendrez avec votre note d’orientation.
Je vous invite, à le faire en concertation avec le secteur, à vous rappeler que selon moi et selon mon groupe, l’économie sociale et le secteur d’entreprises d’insertion ont comme valeurs de pouvoir insérer des plus faibles dans l’économie, mais que l’économie sociale s’inscrit dans le secteur de l’économie au sens large et qu’il est important de ne pas en faire non plus une branche ou une forme de ghetto, il faut aussi faire en sorte que ce soit un tremplin pour les personnes qui viendraient travailler au sein de ces entreprises, même s’elles sont éloignées du marché de l’emploi.
Enfin, comme jeune ministre de l’Économie, si vous souhaitez organiser un certain nombre de visites de terrain, je suis à votre disposition pour en faire visiter quelques-unes en région liégeoise qui ne manqueront pas de vous interpeller sur la manière dont on insère du personnel qui est assez éloigné du marché de l’emploi à la base et qui en arrive à des contrats à durée indéterminée, à se stabiliser, à faire des formations et parfois à quitter le secteur de l’économie sociale vers d’autres cieux.