Intervention à l’Internationale Socialiste des Femmes
Le 14 juillet dernier, j’ai eu la chance d’être invitée à faire une intervention à l’ONU, à New York, à l’occasion de la réunion annuelle du Conseil de l’Internationale des Femmes Socialistes. Mon discours s’intitulait :« Aspects sociaux, politiques et de genre liés à la digitalisation du travail ». J’ai exploré certains enjeux de la quatrième révolution industrielle, autour de l’industrie dite « 4.0 », pour les travailleurs et les travailleuses qui font face aujourd’hui aux effets positifs et négatifs de la digitalisation. Si la digitalisation permet de réaliser des gains de productivité ou de libérer les travailleurs de certaines corvées, elle comporte aussi une face sombre qui génère une augmentation massive du chômage et propulse des milliers de familles dans une situation de précarité.
J’ai soutenu deux arguments principaux.
Le premier, c’est qu’il est nécessaire que nous, les femmes politiques socialistes à travers le monde, travaillions à re-politiser ces questions pour qu’elles cessent d’être considérées comme étant exclusivement l’apanage de marchés libres au sein desquels les technologies émergeraient de façon naturelle et autonome. Le développement de technologies digitales est éminemment politique et cela nécessite que nous soyons vigilantes pour anticiper et encadrer ses effets et veiller à ce que la prospérité qui en découle soit partagée.
Le second message que j’ai porté, c’est qu’il faut prendre garde à ne pas oublier la dimension de genre quand il s’agit d’évoquer la digitalisation. En effet, les technologies digitales (qu’il s’agisse de l’internet des objets, de l’automation, de la robotique ou de l’intelligence artificielle) sont le reflet de leurs concepteurs, et de leur culture. Le plus souvent, il s’agit d’une puissante élite d’ingénieurs blancs masculins de la SiliconValley. Evidemment, leur propres biais et leurs valeurs se retrouvent dans les technologies qu’ils développent. Qu’il s’agisse de Google qui affiche des publicités pour des emplois hautement rémunérés principalement pour les hommes plutôt que pour les femmes— et qui continue à mieux rémunérer ses employés masculins ; ou encore de Wikipedia dont la très grande majorité des éditeurs sont des hommes, les antécédents de discrimination que nous combattons se retrouvent au cœur du fonctionnement des plateformes digitales. C’est donc une tendance qu’il faut rééquilibrer. Car les hommes créent à leur image et pour leurs intérêts, sans penser à nous… Il est donc de notre responsabilité, en tant que femmes et en tant que socialistes, de travailler rendre cette culture égalitaire, juste et équitable avant de vouloir la propager.
En conclusion, la digitalisation du travail offre des perspectives à plusieurs conditions (non exhaustives):
– que les pouvoirs publics anticipent sur ce que les changements de rapports sociaux, culturels vont induire ;
– que les règles soient encadrées par le secteur public ;
– qu’elle s’accompagne de mesures liées à réduction collective du temps de travail (autre combat d’avenir pour la gauche) ;
– qu’elle se fasse au service de l’être humain,
– qu’elle développe des outils et des plates formes gender-balanced ;
– qu’on incite massivement les jeunes filles dans les métiers technologiques/informatiques ;
– qu’on contraigne les opérateurs à couvrir toutes les zones.
Autant de défis auxquels je nous invite à réfléchir et à relever !