Protégeons nos oiseaux nicheurs!
Question écrite destinée à Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Ruralité et du Tourisme
Selon vos propos en commission lors d’un débat parlementaire, l’extinction de la Sarcelle d’hiver et de la Perdrix grise est un phénomène mineur, peu préoccupant sur notre territoire.
Vos conclusions vont alors en contradiction avec l’analyse développée en 2011 dans l’Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie, selon lequel, les sarcelles, en diminution de 80% dans toute l’Europe de l’Ouest, sont devenues rares en Wallonie. La Sarcelle d’hiver figure même en tête des espèces présentant un risque extrême d’extinction. Toujours d’après cet atlas, des 15.000 à 20.000 couples de perdrix, estimés dans les années 1973 à 1977, il n’en subsistait qu’environ 3.900. Cette espèce présenterait donc le même un risque d’extinction.
Le dernier rapport d’Aves, l’association de défense ornithologique de Natagora, va également dans ce sens. J’aurais donc aimé que Monsieur le Ministre clarifie sa position. Quelles sont les données qui vous permettent, a contrario des propos de certains scientifiques, d’assurer que ces espèces ne sont pas en danger ? Contestez-vous les analyses d’Aves ? Alors que la Ligue royale belge pour la protection des oiseaux se mobilise pour protéger ses deux espèces et demande l’arrêt momentané de la chasse à la perdrix grise, quelle est votre position sur cette question ? Si vous partagez également cette analyse, comment allez-vous contrer cette diminution inquiétante ? Quelles sont les mesures prises en vue de la protection de ces deux espèces ?
Réponse
Les deux espèces évoquées sont reprises par l’Union internationale pour la Conservation de la Nature dans la catégorie « préoccupation mineure, espèce pour laquelle le risque de disparition en Belgique est faible ».
Il est rappelé que les deux espèces visées sont inscrites à l’annexe II partie A de la Directive européenne 2009/147/CE « Oiseaux », ce qui autorise sans équivoque leur chasse et que le choix, en Wallonie, des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse à ces oiseaux gibiers s’inscrit parfaitement dans le prescrit du guide « Key Concepts of article 7(4) of directive 79/409/EEC, period of reproduction an prenuptial migration of annex II Birdspecies in the 27 EU member stades » approuvé par le Comité ORNIS (DG ENV) et du guide sur la chasse durable en application de la Directive oiseaux (7 janvier 2009).
Pour la Sarcelle d’Hiver, mon cabinet a pris contact avec le service scientifique de l’ONCFS, CNERA Avifaune Migratrice, qui effectue des études et suivis sur la Sarcelle d’hiver. Il en ressort que les tendances d’évolution de l’espèce ne sont absolument pas défavorables : les effectifs européens ont en effet montré une régulière augmentation depuis l’initiation des comptages au milieu des années 60. La sarcelle d’hiver est une espèce migratrice et le niveau en Wallonie de prélèvement des sarcelles d’hiver par la chasse est insignifiant par rapport aux prélèvements réalisés annuellement à l’échelon européen et paneuropéen. Le maintien de l’ouverture de la chasse actuelle se justifie donc, d’autant que la commercialisation de cette espèce reste interdite.
Pour la perdrix, comme, je l’ai dit dans de précédentes réponses, elle est en déclin de manière assez générale en Europe de l’Ouest, dont en Wallonie. C’est une triste réalité. Il est très clairement démontré par de nombreuses études que la perdrix grise, comme d’ailleurs bon nombre d’espèces non chassées de l’avifaune des plaines, en déclin également, tel que le bruant proyer et l’alouette des champs, souffre en fait d’une dégradation de son habitat.
Une interdiction de la chasse pénaliserait certainement les efforts de ces nombreux gestionnaires qui œuvrent pour la restauration des biotopes propices à la petite faune de plaine et n’offrirait en contrepartie absolument aucune garantie d’un effet positif sur les populations de perdrix. Dans les pays ou Régions où la chasse à la perdrix grise a été interdite, le processus d’extinction de cette espèce ne s’est pas ralenti que du contraire, il s’est amplifié. D’ailleurs une étude française de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage souligne que le taux de disparition hors chasse des perdrix grises est établi à 68 % (février 2015) et il y a tout lieu de croire qu’il doit être semblable en Wallonie.
En conclusion, il y a lieu de soutenir une chasse durable, qui s’inscrit dans les principes d’un tel développement, tout en préservant les chasses traditionnelles de Wallonie. Il n’y a donc pas lieu d’envisager de suspendre la chasse à ces deux espèces. Ma décision prend aussi en compte les conclusions unanimes lors du colloque organisé en octobre dernier à Namur intitulé « La petite faune des plaines, le temps de l’action » qui réunissaient agriculteurs, naturalistes et chasseurs.